"En été j'ignorais encore
combien sans toi..."
La phrase d'hier me vaut ce beau texte de méditation sur le deuil
professionnel, que bien de nos amis auraient pu m'écrire et que je ne
peux m'empêcher de vous partager avec l'accord de son auteur.
"Deuil d'un être cher. Deuil d'une situation professionnelle terminée. Tu
voudras bien excuser l'appropriation de ton beau texte pour ma
situation personnelle, mais tu devines le poids pour moi d'avoir arrêté
de travailler et la nécessité de combler le vide de cette perte, perte
de la présence des travailleurs vus chaque jour, de leur regard, de leur
présence, perte aussi de ces milliers de lettres, fax, mails des
consommateurs criant leur désarroi et des conclusions de médiations
souvent positives que je leur signifiais. Aujourd'hui, cela fait quatre
jours que je mets ma cave à vin en ordre. Cette descente dans la cave
est une sorte de descente en soi. Chaque bouteille prise en main, chaque
bouteille retrouvée, évoque le souvenir du vigneron rencontré mais
aussi le potentiel d'une dégustation avec des proches dans le futur.
Chaque bouteille est un pont entre le passé, un peu mort car enfermé
dans une bouteille, et le futur des saveurs qui nous saisiront le nez et
permettront d'évoquer le pays du vigneron, les senteurs de son pays et
les paroles qu'ils nous a dites. Chaque bouteille, non à la mer mais
dormant dans ma cave, soigne le deuil de la rupture. Ce soir, D.
et moi-même avons ouvert une bouteille de 2003 du pays du Pic Saint Loup
dans le Languedoc. J'ai écrit un mail au vigneron pour le bénir d'avoir
mis dans cette bouteille des saveurs épicées, de thym, de safran, de
girofle mêlées à des notes de pain grillé et de cuir... Établir
des ponts, en acte ou en pensée, boire ensemble une bouteille remplies
de messages du passé... et le deuil devient supportable."
Il y a mille manière de boire, mais celle que suggère cet ami cher me convient.