"Nous sommes des univers passagers
dans l'univers qui s'éternise."
Régis Jauffret
Le temps de la cuisson d'un gigot d'agneau, une femme imagine les
diverses
existences qu'elle aurait pu vivre, ou aimerait vivre encore. Nous
connaissons tous ces moments fugaces, une seconde, une heure, où se
déroule en nous tout un univers de sensations,
de souvenirs d'un passé heureux ou de désirs d'un bonheur encore
possible. Si dense et si fragile. Hasard, j'ai retrouvé hier une énorme
farde de coupures de presse
jaunies sur l'assassinat du Président Kennedy le 22 novembre 1963.
Il représentait pour les gosses que nous étions un univers de
jeunesse, de réussite, de progrès, idéalisé comme seuls les mythes
peuvent l'être. Nous assistions en direct à l'éclatement de cet
univers en même temps que celui de sa boîte crânienne: cela
existait, soudain cela n'était plus et le monde continuait. Ce fut
sans doute ma première leçon de philosophie appliquée, que je me
devais de consigner patiemment durant plusieurs semaines en
découpant la presse. Amusant: à peu de temps près ma future épouse
réalisait une farde similaire sur la conquête de l'espace. Nous
étions dans le même Univers, mais nos univers n'étaient pas les
mêmes.
Lu dans:
Régis Jauffret. Univers, univers. Verticales. 2003. 607 pages.
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