"Nuit au temple du sommet
lever la main et caresser les étoiles
mais chut! baissons la voix
ne réveillons pas les habitants du ciel."
Li Bo (701-762)
Un groupe joyeux et grimé descend l'avenue en quête de friandises,
Halloween et ses monstres venus d'Amérique précède et supplante
progressivement le silence de la Toussaint. Même pas peur, un masque
de mort sur le visage pour la tenir à distance. Demain pourtant je
ressentirai ce besoin de silence pour faire une place dans ma journée à
ces innombrables disparus qui m'ont construit, aimé, remis sur la route,
et qui constituent une partie de ce que je suis. Certains départs
récents cicatrisent à peine. D'autres étaient déjà morts à ma naissance,
et j'en porte néanmoins l'empreinte tel ce grand-père vétéran de 14-18
qu'une vieille patiente eut l'impression de revoir à mon entrée dans son
salon. Son émotion perceptible me fit soupçonner un sentiment ancien et
fort à son égard. La fête de Toussaint nous rassemble, disparus et
survivants, mais aussi humains de toutes croyances et incroyances: le
souvenir des morts n'appartient à aucune religion. Moment précieux où,
le Temps ayant fait son œuvre, la mort n'est plus une défaite, le
ressentiment n'est plus de mise, les regrets s'estompent. Cimetière ou
simple souvenir fugace, je vous souhaite une belle fête de Toussaint.
Lu dans:
Tseng Tchong-Ming (traducteur). Rêve d'une nuit d'hiver : Cent quatrains des Thang. Paris, Leroux. Lyon, Desvigne, 1927. 113 pages.
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