"Il y a quelques jours, dans une rue de Liège, j'ai croisé un ange. Il portait un pull, un pantalon crasseux et sentait la bière. Je courais à perdre haleine pour attraper un train. (..) Il pleuvait. Alors, comme je le craignais, l'homme me demanda : «Tu n'as pas une pièce de deux euros ? » N'étant ni l'abbé Pierre ni un modèle de conscience citoyenne, je lui lançai : «Non, pas de monnaie, désolé. » (..) C'est alors qu'advint l'imprévisible. D'une voix amusée et tendre, le clochard dit simplement : « Ben non, ce n'est pas que vous n'avez pas de monnaie, Monsieur, vous êtes pressé, c'est tout ». Il n'y avait pas de jugement dans cette affirmation, simplement quelque chose comme une délicate fraternité : celle de deux pauvres types qui, si loin qu'ils puissent être l'un de l'autre, n'en partageaient pas moins la même humanité précaire et titubante, de deux gars qui, malgré tout, venaient de se rencontrer. Touché, je me suis retourné et j'ai vu ce visage ouvert, ces yeux rieurs qui m'offraient l'hospitalité. (..) Je lui ai souri. «Vous avez raison, je suis simplement un mec qui se dépêche toujours, sans trop savoir où il va d'ailleurs.» Pendant un instant, le temps s'est arrêté, il n'y avait plus que l'ange et moi, quelque part dans la Principauté. Puis, une poignée de main et le retour du quotidien. Pourtant, il a raison, l'ange : je suis un homme pressé, toujours un peu ailleurs, convaincu malgré moi de devoir accomplir une destinée, je fuis. "
Vincent Flamand
Un jour lointain, par grande surcharge, je dépassai un clochard
au soleil, et l'enviai. Plus paumé que ça, tu meurs, et pourtant
sa richesse en temps disponible me fit envie. On se ressaisit
rapidement de pareille folie, mais le souvenir de ce court moment
d'égarement m'est resté en mémoire.
Lu dans:
Vincent Flamand (Auteur), Emmanuel Carrere (Préface). Quand Dieu s'efface. Ed Fidélité. Coll. Béthanie. 2019. 107 pages. Extrait pp.96, 97
Vincent Flamand (Auteur), Emmanuel Carrere (Préface). Quand Dieu s'efface. Ed Fidélité. Coll. Béthanie. 2019. 107 pages. Extrait pp.96, 97
1 commentaire:
Et pourtant c'est souvent vrai "je n'ai pas de monnaie". A cause de la carte bleue sans contact.
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