"This too will pass" ("Cela aussi passera")
Sagesse persane et hébraïque, reprise par Abraham Lincoln
Du fonds des temps m'arrive ce vieil adage qui puiserait ses
racines philosophiques dans Maimonide, soulignant la fugacité
du temps dans les moments de
détresse comme de bonheur. Il se dit qu'un monarque oriental
l'aurait reçue de ses sages, phrase qui se devait d'être vraie et
appropriée en tout temps et en toutes circonstances. Un hasard
heureux glisse dans mon courrier ce matin un dessin d'une de mes
petites-filles reprenant presque mot pour mot l'antique sagesse.
Occasion propice de confronter notre quotidien à celui de nos
très lointains ancêtres: la souffrance, l'inquiétude face à la
maladie,
la mort et les aléas de l'existence survoleraient-elles les siècles
sans modification substantielle? Entre le cri de détresse de ces
parents ayant perdu leur enfant de douze ans par covid-19 et la plainte
transcrite par le poète Tymnès au début de notre ère "où es-tu, douce
colombe si belle à voir, envolée hier dans ce grand silence noir qui
étouffe à tout jamais le chant que nous aimions" on redécouvre que
si toute souffrance est unique, elle est aussi universelle. Les
épitaphes nous racontent les déchirures d'hier avec les mots
d'aujourd'hui: "Je n'avais que cinq ans et la mort vint me prendre /
Ne pleurez pas: j'étais sans crainte aucune / J'ai peu vécu, c'est vrai,
mais m'en vais sans apprendre / L'humain mensonge et l'humaine
infortune." (Lucien de Samosate, IIème siècle de notre ère).
Moins dramatique mais tout aussi actuel ce conseil d'Hippocrate face
à l'épidémie « partir, tôt, loin et
longtemps ». Après l’épidémie, les populations reviennent et
rebâtissent. Si on compte des villages désertés pendant la grande peste
noire de 1347, qui faucha un tiers de la population européenne, les
villes les plus importantes y survivront. Comme le commente le
médiéviste François-Olivier
Touati, si dans le passé la ville a servi de protection en cas
d’invasion, « le premier réflexe pour ceux qui le peuvent, en cas
d’épidémie, c’est de s’en aller dans la campagne environnante, à la
recherche d’air frais et de moyens de subsistance ». Ce ne sont
pas le million de Franciliens ayant déserté en une semaine la
métropole pour la province et la mer qui le contrediront. Vers la mer
peut-être, mais pas vers ses villes portuaires, points d’entrée
privilégiés
de toute épidémie, la peste n'a-t-elle pas exterminé en 1720 la moitié
de la population marseillaise? La réponse: quarantaine, cordon
sanitaire, passeports de santé, maintien des bateaux suspects à
distance, villes encerclées d’une palissade, regroupement des
malades, à vieilles peurs remèdes éternels. Comme entendu tout
récemment, si nous bénéficions d'une médecine futuriste, notre
épidémiologie, elle, est médiévale.
Lu dans:
Cécile Peltier. Peste, choléra, tuberculose, les épidémies ont modelé nos villes . Le Monde 30.3.2020
Marguerite Yourcenar. La Couronne et la Lyre. Poèmes traduits du Grec. 1979. 486 pages.Extraits pp 350, 390
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