" Mon sac appuyé sur l'arbre me servait de dossier. Et, soudain, cette plénitude ... Elle m'a envahi délicieusement. Plaisir d'être seul, dans une solitude recueillie, non pas replié mais rassemblé en moi-même au plus profond, dans un mouvement de confiance et d'intimité avec ce qui m'entourait: les nuages, l'air tiède, les saules blancs, les églantiers bordant la rivière. Et cette lumière insaisissable. Tout cela m'était offert. Je ne voulais pas en perdre une miette. Je savourais le spectacle de cette paix comme un don gratuit, un état de complétude total. Révélation d'avoir trouvé la cadence, ou plutôt la patience avec moi-même. Jamais je n'avais regardé avec autant d'avidité la rivière: l'eau et ses froissements de soie; l'ombre des racines déployées sur les bords comme des chevelures. J'avais craint que la lassitude s'insinue par l'accumulation, la redite. La surface de la Marne était agitée de vaguelettes. Avais-je enfin acquis cette confiance itinérante qui me manquait? "
JP Kauffmann
Lu dans:
Jean-Paul Kauffmann. Remonter la Marne. Fayard 2013 . 263 pages. Extrait page 73
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