"Après la chaleur des semaines précédentes, la pluie d'orage délivre les odeurs emprisonnées par l'été. Les gouttes explosent à la surface de l'eau. Une bruine légère s'élève dans la vallée. L'air sent à la fois le gazon mouillé, l'herbe coupée, l'argile humide, les feuilles rouies. Parfum de fin d'été plutôt que de début d'automne. L'acidité, le dessèchement, la chaleur végétale sont encore sensibles. La Marne dégage des relents marécageux. Même les piliers du viaduc exhalent une odeur que la pluie a révélée, une note minérale et chaude qui évoque l'asphalte trempé en été."
"La pluie a ressuscité des parfums enfermés par la sécheresse cette fameuse odeur d'escargot que répand l'humidité après l'orage. Des effluves de prairie mouillée montent du sol lorsqu'on enjambe les herbes hautes. Les fils tissés par les araignées étincellent et égouttent de minuscules billes d'argent."
Etonnant Jean-Paul Kauffmann, qui poursuit à son rythme livre après
livre un itinéraire littéraire hors du commun, se racontant en
pointillés au-travers des divers endroits de solitude de notre planète
qu'il parcourt à pas comptés. Son dernier opus, remontant la Marne
jusqu'à sa source (car "remonter c'est la vie"), est habité par tous les
arômes de la France en fin d'été. "C’est peut-être à cause de mon goût
pour le vin. Mais peut-être davantage ici, parce que j’ai essayé de
décrire l’odeur de l’eau. Ce n’est pas facile, et elle est très
différente à mesure que vous remontez la rivière. C’est pour cela que je
rends hommage à Simenon, qui a su restituer ce sens olfactif un peu
tabou, signe de notre animalité. C’est le corps qui s’exprime à travers
ce livre."
Jean-Paul Kauffmann. Remonter la Marne. Fayard 2013 . 263 pages. Extrait 45, 46, 152.
Pierre Maury. Un kilomètre à pied, et fusent les idées. Le Soir. Livres. Samedi 4 mai 2013
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