26 avril 2020

Du lit à la fenêtre, les vieux ne bougent plus


 "Hier, il s’est passé un truc incroyable. On est passés devant la ferme de Mamita. A vélo, en rase campagne, on l’a reconnue tout de suite, avec le bel étang derrière. (..) Chaque pièce, chaque porte, leur appartient encore. Et mille objets à eux hantent cette maison qui était leur maison. Le piano sur lequel joue le petit est celui de Bon-papa. Le mixer avec lequel on a fait du gaspacho hier est celui de Mamita. On a toujours leur vieux parasol, leurs tulipes poussent toujours dans le jardin. Tout a changé mais tout est pareil. Les grands-parents, on a beau frotter, ça ne s’en va jamais vraiment. (..) La trace qu’ils ont laissée, comme des milliards d’autres grands-parents, est indélébile. Elle fait de vous une personne particulière, qui n’aurait pas été la même si vous ne les aviez pas connus." 
                                Julie Huon


N'embellit-on pas le passé? Grands-parents nous-mêmes maintenant, quels souvenirs conserveront nos petits-enfants de ces séances de WhatsApp du dimanche matin, "viens Virgile, dis bonjour à Papy", et des souris en gomme envoyées par la poste?  En voulant les protéger, la pandémie a externalisé "les aînés" sans leur fixer de date de retour, plus de cloches à Pâques, plus de grand-mamy à la sortie des classes, plus de circuit pour les petites autos, plus de chocolat chaud durant la varicelle. Ils étaient la réserve naturelle pour les imprévus de l'existence, leur maison un refuge protecteur et un terrain d'aventure. En quelques jours, sans avoir vieilli pour autant, c'est eux qu'on protège désormais car ils sont devenus ce qu'on appelle avec pudeur "une population à risque". Saluons l'embellie: 4 mai pour les merceries, 11 mai pour les petits commerces, 18 mai pour les écoles et les coiffeurs, 8 juin (?) pour les restos. La "population à risque" sortira quand on aura un vaccin, on y travaille pour l'automne 2021. Il faudra en réapprendre des choses à ce moment-là.

Ceci n'empêche pas d'avoir une pensée affectueuse pour tous ces moutards chéris, qui n'ont rien demandé et se questionnent sur la réalité d'un danger qui leur échappe.  Nous fûmes marqués par la mort de Kennedy, l'homme sur la Lune, la chute du Mur de Berlin. Ils le seront sans doute par ce printemps 2020 et son confinement inégalitaire. Ils auront appris à vivre de longs jours durant avec leurs frères, sœurs, parents, du jamais vu auparavant. Ils auront, pour les plus chanceux, apprivoisé les claviers, les écrans, les réseaux et surtout le chaos, ce qui leur sera bien utile dans le monde de demain. Comme le conclut une belle chronique du Soir d'hier ils auront été "patients, impatients, calmes, nerveux, supportables et insupportables. En même temps. Mais renforcés par ces contradictions quotidiennes. Le monde de demain sera différent. Vous serez marqués. Soyez le pour le meilleur."





Lu dans :
Julie Huon. Jour 36 : les grands-parents . Chroniques d'un confinement. Le Soir. 25 avril 2020. 
Carte blanche. J’ai septante ans aujourd’hui. Lettre à mes enfants et petits-enfants. Le Soir 24 avril 2020

1 commentaire:

VS a dit…

Bon anniversaire.