""Maintenant, je vois cela différemment. J'ai compris qu'en offrant au monde la patience, l'attention, la mise aux aguets, la mise en haleine de soi-même comme dit Montaigne dans "Les Essais", on a un autre usage du monde. Tout à coup, on décide que c'est le monde, les bêtes, les impressions de la lumière sur les reliefs qui vont apporter la variété. Et pas uniquement votre fébrilité et votre agitation."
Sylvain Tesson
Les images de Venise ou de Milan impressionnent. Revient à la
mémoire la scène d' "Un soir, un train" d'André Delvaux et de ce train
ralentissant dans la campagne déserte et gelée jusqu'à s'arrêter
complètement, laissant ses passagers dans la solitude et l'anxiété. Dans
la réflexion aussi sur les liens qui les unissent, la solidarité qui
doit se mettre en place et l'interrogation sur le sens de leur voyage.
Ce ralentissement imposé dans leur existence s'avère in fine plus
salutaire que nocif. Pas plus qu'il n'y a de bonne petite guerre, on ne
peut se réjouir d'une épidémie. Il n'empêche que notre réflexion est
nourrie par sa survenue, et par les mesures qui l'accompagnent. On veut
sans cesse tout prévoir, tout maîtriser, à l'échelle individuelle comme
sociétale, et on redécouvre que c'est un leurre. Qu'un grain de sable
peut à tout moment venir gripper la machine, et que toutes les mesures
prises doivent se voir en permanence reconsidérées. Le rapport de forces
bascule, la défensive s'est substituée à l' initiative. Les rayons
des grandes surfaces peinent à se voir réapprovisionnées tant est grande
la peur de l'inconnu, maîtrisée tant bien que mal par l'achat de pâtes,
de farine, de sucre et de tout ce qui se conserve. Acheter des denrées
qui résisteront au virus et à la péremption, les entasser dans nos
armoires, nous rassure contre notre propre fragilité.
Lu dans:
Sylvain Tesson. La Panthère des neiges. Gallimard. Coll. Blanche. 2019. 176 pages.
Sylvain Tesson. La Panthère des neiges. Gallimard. Coll. Blanche. 2019. 176 pages.
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