10 mars 2020

Sagesse de l'incertitude


""Maintenant, je vois cela différemment. J'ai compris qu'en offrant au monde la patience, l'attention, la mise aux aguets, la mise en haleine de soi-même comme dit Montaigne dans "Les Essais", on a un autre usage du monde. Tout à coup, on décide que c'est le monde, les bêtes, les impressions de la lumière sur les reliefs qui vont apporter la variété. Et pas uniquement votre fébrilité et votre agitation."
                        Sylvain Tesson
 

Les images de Venise ou de Milan impressionnent. Revient à la mémoire la scène d' "Un soir, un train" d'André Delvaux et de ce train ralentissant dans la campagne déserte et gelée jusqu'à s'arrêter complètement, laissant ses passagers dans la solitude et l'anxiété. Dans la réflexion aussi sur les liens qui les unissent, la solidarité qui doit se mettre en place et l'interrogation sur le sens de leur voyage. Ce ralentissement imposé dans leur existence s'avère in fine plus salutaire que nocif. Pas plus qu'il n'y a de bonne petite guerre, on ne peut se réjouir d'une épidémie. Il n'empêche que notre réflexion est nourrie par sa survenue, et par les mesures qui l'accompagnent. On veut sans cesse tout prévoir, tout maîtriser, à l'échelle individuelle comme sociétale, et on redécouvre que c'est un leurre. Qu'un grain de sable peut à tout moment venir gripper la machine, et que toutes les mesures prises doivent se voir en permanence reconsidérées. Le rapport de forces bascule, la défensive s'est substituée à l' initiative. Les rayons des grandes surfaces peinent à se voir réapprovisionnées tant est grande la peur de l'inconnu, maîtrisée tant bien que mal par l'achat de pâtes, de farine, de sucre et de tout ce qui se conserve. Acheter des denrées qui résisteront au virus et à la péremption, les entasser dans  nos armoires, nous rassure contre notre propre fragilité.
 


Lu dans:
Sylvain Tesson. La Panthère des neiges. Gallimard. Coll. Blanche. 2019. 176 pages.

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