" On n'a rien compris à la maladie tant qu'on a pas compris son étrange ressemblance avec l'amour et la mort, ses compromis, ses feintes, cet étrange et unique amalgame fait du mélange d'un tempérament et d'un mal."
M.Yourcenar
Moments précieux où chacun prend conscience de sa fragilité et de
l'incertitude des choses. Pourquoi certains seront-ils atteints et pas
d'autres? Lesquels d'entre eux participeront à cette loterie bizarre qui
en amènera une partie à l'hôpital, l'autre non? Cette incertitude est
déjà une souffrance et motive nombre de consultations diverses depuis
trois jours, m'éloignant résolument de la tentation de me faire juge de
qui est contagieux ou qui ne l'est pas et suspicieux quant à la validité
d'un certificat. Qui sommes-nous pour jauger la peur qui envahit celui
qui nous fait face? Observant cette mise en léthargie progressive de
notre société, que nous pensions si sécurisée, on reste pensif devant le
pouvoir désorganisateur d'un minuscule virus de 0,1 micron. Surgit
l'image du géant Gulliver réduit à l'impuissance par les Lilliputiens.
La conjonction de mesures fortes et la responsabilisation de chacun
viendront sans aucun doute à bout de cette épidémie, mais comme
l'écrivait Michel Serres, sera-t-elle la dernière? Renouvellerons-nous
nos médicaments, nos vaccins et nos politiques de prévention aussi
rapidement que nos ennemis nains renouvellent leurs cuirasses? "Ils
croissent, mais notre bouclier s'affaiblit et la lutte continue, nous
n'en avons peut-être connu qu'un épisode. Nous n'éradiquerons pas
facilement des bactéries ou des virus vieux de trois milliards d'années:
ils en ont vu d'autres, sur cette vieille planète."
Lu dans:
Marguerite Yourcenar. Mémoires d'Hadrien. Gallimard. 1951. Coll Folio 1977. 364 pages
Michel Serres. Hominescence. Ed. Le Pommier. Coll Essais. 2001. 339 pages. Extrait p.33
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