"Le pays tout entier était saisi d'une fureur commémorative en faveur des morts, proportionnelle à sa répulsion vis-à-vis des survivants."
Pierre Lemaître. Au revoir là-haut. (Prix Goncourt 2013)
11 novembre, pas la gloire. Il y a la
lassitude des soldats après les combats, les déserteurs qui
franchissent les lignes pour se constituer prisonniers et fuir
ainsi la ligne de front, ceux qui se blessent volontairement
pour la même raison, les fusillés pour l'exemple. Et puis il y a
les survivants, ceux qui reviennent dans leur foyer après des
mois ou des années de tranchées, presque honteux d'être en vie.
Cruel contraste entre une forme d'héroïsme attribuée aux morts,
qu'on commémore, et la désillusion qui frappa bon nombre de
têtes cassées, miraculés qu'on ne sait trop où recaser. Les
récits de retour de Vietnam, d'Irak ou d'Afghanistan attestent
de la permanence de cette difficulté à affronter le regard des
autres au retour de guerre. Le dernier Goncourt, attribué à Pierre Lemaître, en a fait son miel.
Je revis en ce jour d'armistice le récit que me fit jadis un
vieux patient, dissimulant mal ses larmes, narrant son retour au
domicile conjugal pour y trouver son fauteuil occupé par un
autre homme. Il le regarda, regarda sa femme, ne dit pas un mot
et rentra chez ses parents. Ce jour-là il envia le sort des
héros morts. Lu dans:
Pierre Lemaître. Au revoir là-haut. Prix Goncourt 2013. Albin Michel. 576 pages.
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