"Les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !"
Baudelaire. L'étranger.
C'était également un vendredi je m'en souviens, juste après le souper,
il y a longtemps. On avait tiré sur le président dans ce pays dont
nous rêvions et il était mort. Pendant de longues années, j'ai
collecté tout ce que les journaux publièrent sur J.F Kennedy et sa
saga familiale. Il était devenu le héros qui nous manquait, jeune
génération qui n'avions pas connu la guerre, et sa famille était
si heureuse. On savait tout de lui, et de ses frères, et de sa
femme, et on ne savait encore rien. On apprit peu à peu que le
rêve n'était qu'une image construite, que le héros avait des mains
et le sexe baladeurs, on découvrit les rumeurs d'argent et
d'amitiés douteux, d'un prix Pulitzer usurpé, les convictions
fluctuantes, la dépendance aux médicaments, et que et que... Peu
importe après tout: le rêve fut beau, nous rendit heureux un
certain temps, et croire aux contes de fées développa notre envie
de changer le monde. Cinquante ans de vraie vie nous ont permis
ensuite de discerner les héros anonymes qui nous côtoient
quotidiennement, et c'est encore plus beau.
Lu dans:
Stéphane Trano. Kennedy ou l'invention du mensonge. 2013. L'Archipel. 317 pages.
Baudelaire cité par Françoise Sagan. Les merveilleux nuages. 1961. Julliard. 152 pages. Exergue.
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