"Allant neuf !"
Qu'ajouter de plus au moment de tourner la page de l'an vieux ?
Je vous souhaite de tout coeur un bon passage d'année.
CV.
"Allant neuf !"
Qu'ajouter de plus au moment de tourner la page de l'an vieux ?
Je vous souhaite de tout coeur un bon passage d'année.
CV.
"En tant que vieux, je me supporte,
mais je ne supporte pas les vieux - les autres vieux."
Cioran
Avertissement:
Quand je serai une vieille femme je m 'habillerai en violet,
Avec un chapeau rouge mal assorti et qui ne me va pas,
Et je gaspillerai ma pension à acheter du cognac ou des gants d'été
Et des sandales de satin, et je dirai que nous n'avons plus d'argent pour le beurre.
Je m'assiérai à même le trottoir quand je serai fatiguée
Et je me gorgerai de ces échantillons gratuits qu'on vous verse dans les magasins, et je tirerai les sonnettes d'alarme
Et je raclerai bruyamment les balustrades de fer des bâtiments publics avec ma canne
Et je compenserai pour toute la sobriété de ma jeunesse.
Je sortirai en pantoufles sous la pluie
Je cueillerai des fleurs dans les jardins des autres
Et j'apprendrai à cracher.
Vous pouvez porter de hideuses chemises et devenir obèse
Et dévorer trois livres de saucisses d'un coup
Ou vivre de pain sec et de cornichons pendant une semaine
Et entasser plumes et crayons, et sous-verres à bière en carton et toutes sortes de choses encore dans des boîtes.
Mais pour le moment je dois porter des vêtements qui me tiennent au sec
Et payer notre loyer, et m'abstenir de jurer dans la rue
Et donner le bon exemple aux enfants.
Nous devons inviter des amis à dîner, et lire les journaux.
Mais peut-être devrais-je dès maintenant acquérir un peu de pratique?
Ainsi les gens qui me connaissent ne seront pas trop surpris et choqués
Quand soudainement je serai vieille et commencerai à m 'habiller de violet.
(Waming :
When 1 am an old woman 1 shaH wear purple
With a red hat which doesn't go and doesn't suit me
And 1 shaH spend my pension on brandy and summer gloves
And satin sandals, and say we've no money for butter.
1 shaH sit down on the pavement when l'm tired
And gobble up samples in shops and press alarm bells
And ram my stick along the public railings
And make up for the sobriety of my youth
1 shaH go out in my slippers in the rain
And pick the flowers in other people's gardens And leam to spit.
You can wear terrible shirts and grow more fat
And eat three pounds of sausages at a go
Or only bread and pickle for a week
And hoard pens and pendIs and beermats and things in boxes.
But now we must have clothes that keep us dry
And pay our rent and not swear in the street
And set a good example for the children.
We must have friends to dinner and read the papers.
But maybe 1 ought to practice a little now ?
So people who know me are not too shocked and surprised
When suddenly 1 am old, and start to wear purple.)
Jenny Joseph
Désopilante lecture de ce poème de Jenny Joseph, méconnu chez nous mais très populaire en terres anglo-saxonnes où il fut deux fois nominé comme "poème le plus populaire de la seconde moitié du XXe siècle".
Popularisé aux Etats-Uni, on le retrouve dans les années 80' sur d'innombrable calendriers, almanachs, supports de sagesse populaire.
Il me fait considérer différemment cette vieille habillée comme un clown, ce vieux qui pisse entre deux voitures, ces deux octogénaires qui - bras dessus bras dessous - descendent du tram en chantant une chanson grivoise.
Une certaine liberté serait-elle le privilège du grand âge?
"J'aime les tableaux qui me donnent envie de me balader dedans."
Pierre Auguste Renoir.
"Un bon livre n'est pas seulement un livre qui donne envie d'en lire un autre. C'est un livre qui donne envie de courir dans un jardin, de partir à la rencontre de quelqu'un pour nous jeter dans ses bras, d'aller coûte que coûte vers la vie! Quand les sens se réveillent et nous révèlent la merveille du créé, alors la question du sens de la vie perd son acuité, sa brûlure.
Les sens nous restituent le sens."
Christiane Singer. La quête du sens. Albin Michel. 2000.
On n'est pas loin du célèbre "Nathanaël, enseigne-moi la ferveur", de Nietzsche... Hasard? Y a-t-il jamais de hasard?
Je retrouve ce court extrait de Christiane Singer au moment de terminer la lecture de la superbe biographie de Nietzsche par Stéfan Zweig. Le talent littéraire de l'un au service de la compréhension de l'autre. On referme cet ouvrage avec une impression de coup de poing à l'estomac, nous laissant un moment sans réaction devant la trajectoire étonnante de ce philosophe demeuré énigmatique pour beaucoup d'entre nous.
La comparaison des derniers mois de l'existence de Nietzsche et de son contemporain Van Gogh (qui crée dans un état d'exaltation totale ses 70 toiles les plus lumineuses en l'espace de deux mois, puis se tue), est un morceau d'anthologie et fascine par leur similitude. Quelle folie commune les habite, ou quel génie? La démesure interpelle parce qu'elle touche de près à l'infini, et d'aucuns ont prétendu qu'on a nommé ceux qui en souffrent de fous pour mieux les neutraliser. Débat sans fin.
"Qui me dit que mon attachement à la vie n'est pas une illusion?
Qui me dit que mon horreur de la mort n'est pas simplement la réaction d'un individu qui, ayant quitté sa maison natale tout enfant, aurait oublié le chemin du retour?"
ZHUANG ZI (Tchouang-tseu)
Si l'on est sûr qu'il a réellement existé, on ne sait cependant que très peu de choses sur la personne de ce philosophe taoïste chinois qui vécut à l'époque des Royaumes Combattants (IVe siècle av. J.-C.). Les « Annales Historiques » de Sima Qian rapportent qu'il était originaire de la culture méridionale de Chu qui s'épanouissait dans le bassin moyen du fleuve Bleu. Il occupa des charges administratives subalternes et refusa le poste de Premier ministre que lui offrait le Seigneur de Chu.
Il termina sa vie complètement retiré du monde menant une vie nomade proche du peuple.
Une image connue de Zhuang Zi est l'histoire où le sage rêve qu'il est un papillon, mais en fin de compte, il se demande si ce n'est pas plutôt le papillon qui rêve qu'il est Zhuang Zi, ce qui pose la question de la possibilité de distinguer la réalité et le rêve, l'illusion. Ces idées se retrouvent dans le bouddhisme zen chinois et rejoignent celles de la Mâyâ indienne.
Je vous souhaite une bonne semaine
CV.
"Osons une métaphore. Pour définir tel silex, le spécialiste le soumet à de multiples tests physiques ou chimiques, il en mesure
mille caractéristiques, mais il ne peut découvrir celle de ses propriétés qui est la plus remarquable: la capacité de ce silex de produire une étincelle lorsqu'il est heurté par un autre silex. Cette performance, en effet, n'est pas celle d'un objet isolé; elle
a pour source la rencontre de deux objets.
De la même façon, la performance la plus décisive d'un être humain, celle qui fait de lui un produit du cosmos à nul autre pareil, ne peut pas être constatée si on l'isole. Cette performance inouïe est la capacité non seulement à être, ce qui est à la portée de tout objet, mais à se savoir être, ce qui est réservé à nos semblables. Elle ne peut se manifester que dans le rapport à l'autre; c'est le choc de la rencontre qui fait apparaître en chacun la conscience de sa propre existence.
Nous ne pouvons dire «je », c'est-à-dire parler de soi comme si l'on était un autre, que grâce aux « tu » qui nous sont adressés. L'éclair de la conscience ne peut jaillir que de la fécondation de notre pensée par celle de l'autre. Un humain ne peut donc être défini que par les caractéristiques de son insertion dans la communauté humaine. Ce qu'il est n'est pas seulement l'objet visible qui se manifeste, mais l'ensemble des liens qui le relient aux autres. Chacun est le produit d'une métamorphose: l'individu biologique fait par la nature devient la personne construite par les rencontres.
Oui, il s'agit vraiment d'une métamor~ phose, plus décisive et plus mystérieuse que celle de la chenille devenant papillon. Elle nous oblige à distinguer en chacun de nous deux humains: d'une part l'individu apporté par les mécanismes naturels de la procréation, d'autre part la personne construite par la rencontre des autres."
Albert Jacquard. Définir lêtre humain .
Un conte de Noël.
Le hasard des grandes mises en ordre me fait redécouvrir un document, écrit il y a 6 ans par une étudiante en médecine toute fraîche diplômée. Le texte est si simple et si beau que je ne résiste pas au plaisir de vous le partager ce soir de Noël.
Chantal est médecin généraliste et fête ce dernier Noël du millénaire
dans sa voiture et au chevet de ses premiers patients, ayant commencé un remplacement le 22 décembre.
Une imperceptible métamorphose du regard.
Situation étrange entre toutes: je suis médecin, ai un caducée sur mon pare-brise, et ce soir c'est Noël. Les gens se promènent avec de gros paquets enrubannés, ne prêtant guère attention à la jeune fille rêveuse qui dix ans plus tôt fêtait Noël comme eux , en toute insouciance. Quelque chose a changé dans ma vie, me modifiant fondamentalement, imperceptiblement et irréversiblement.
Je regarde ces familles occupées à préparer leurs fêtes, et je ne peux m'empêcher de songer à la précarité de l'équilibre que chaque famille tente de maintenir. Je ne peux m'empêcher de penser à toutes ces crises cachées sous des apparences de paix et de bonheur, crises dont mes patients viennent déverser le trop plein en consultation.
J'ai perdu cette insouciance et cette irresponsabilité de ceux qui pensent que ces façades heureuses sont la vraie vie. Le contact journalier avec la souffrance physique et mentale m'a rendue plus consciente de la nature humaine, et plus patiente avec la vie. Le poids des responsabilités, parfois au dessus de mes compétences ou de mes forces, m'a fait prendre conscience de mes limites, et m'a poussé à donner le meilleur de moi-même.
Et malgré ce "désenchantement" ( qui est en fait un autre enchantement face aux ressources de l'être humain!), je suis pleine d'admiration pour ces personnes décidées à donner et partager le plaisir de la fête. La contagion me gagne et je voudrais pour quelques jours retrouver mes yeux d'enfants. Sera-t-il possible de déconnecter dans ma tête le film de toutes ces vies et ces douleurs?
Chantal Renoy.
Médecin généraliste, décembre 1999
Je vous souhaite une joyeuse fête de Noël
CV.
"Ces beaux et grands navires imperceptiblement balancés sur les eaux tranquilles, ces robustes navires à l'air désoeuvré et nostalgique, ne nous disent-ils pas dans une langue muette et magique : quand partons-nous pour le bonheur?
Charles Baudelaire
Si le bonheur, ou la perception qu'on en a, demeure une denrée inéquitablement partagée, la capacité de rêver au bonheur nous est donnée à tous. Divers visages croisés ces dernières semaines me reviennent en mémoire en écrivant ces lignes.
Un couple croisé dans une brasserie à Toulouse, où j'avais choisi une table pour lire. Elle, plus tout-à-fait jeune mais encore belle, lui, du même âge et encore fier, bel habillage et allure chicos, prennent place à une table voisine pour partager un thé. Impressionnant d'observer à la dérobée deux regards non-crois&s pendant une demi-heure, sans qu'un seul mot ne s'échange, ni une ébauche de sourire, ni une complicité, ni une étincelle heureuse. Il ne manque rien, en apparence, il manque tout, peut-être. Lui quitte la table cinq minutes. A ce moment, seule, la femme sourit durant deux minutes, rêveuse. Etrange.
Deux tables plus loin, un vieillard fringant commande une bière trappiste, et en commente la qualité lors de son dernier passage. Courte attente de trois à quatre minutes, et un vieil ami, aussi vieux que lui, entre à son tour. Ils se sont manifestement donné rendez-vous et le bonheur de leur retrouvailles donne chaud au coeur: on s'exclame, s'étreint longuement, se prend par l'épaule, se commente les rides au visage et le pett bedon, une joie bruyante et contagieuse. Une deuxième trappiste clot ce moment de retrouvailles tant attendues. Etrange, aussi, la capacité de bonheur de certains à fêter les choses simples. Pour peu, on irait les rejoindre à leur table pour partager.
Vu ce matin sur les trottoirs du Botanique, un accordéoniste âgé faisant la manche, deux chiens dans leur panier, qui souriait tout seul en égrenant les notes avec tant de bonheur qu'on suspendait le pas pour partager plus longtemps la mélodie. Cinquante mètres plus bas, une jeune femme voilée de noir, prostrée la main tendue et le visage calé vers ses chaussures, quêtait elle aussi une piécette, ou je ne sais quoi. Etrange, tout-à-coup, on n'a plus l'envie de rire sans bien pouvoir analyser pourquoi.
Six personnes qui me sont restées totalement inconnues. Une sympathie innée bien diversément répartie. Et pourtant, tous individus humains balancés dans la même aventure humaine que la nôtre, tous les six épris de bonheur j'imagine. Quels sont leurs rêves la nuit quand le sommeil les rend égaux? Et à quoi rêvent-ils en s'endormant? On en revient soudain aux beaux grands bateaux de Baudelaire.
"Les esprits valent selon ce qu'ils exigent. Je vaux ce que je veux."
Paul Valéry. Mauvaises pensées et autres. Gallimard . 1942
Présomptueux? Moins qu'on l'imagine. Le même aimait à répéter en préambule à ses conférences "Je viens ignorer deant vous", excellente entrée en matière pour de pareils sujets.
Alimentant quelque peu davantage cette modeste réflexion sur la destinée humaine, pourquoi ne pas y ajouter ces quelques lignes de lumière extraites du dernier opuscule de Francis Dannemark
"Combien de vies dans une vie?
C'est comme demander combien de pièces dans un puzzle, dit-il. Lun en compte douze, l'autre douze fois plus, il en faudra mille ici, là quarante. Et chemin faisant,
on comprend que chacun aura
très exactement le temps
de compléter le sien, et que le nombre
de pièces n'aura rien signifié,
et que le temps lui-même,
cent ans, dix secondes, n'aura jamais été qu'un instant,
une fabuleuse fraction
d'éternité."
Puzzle. Une fraction d'éternité. Francis Dannemark. Le Castor astral . 2005.
"On ne naît pas homme , on le devient"
Erasme . Oeuvres choisies. (En exergue du petit ouvrage "Le métier d'Homme" (Alexandre Jollien)
Voilà qui nous aidera à bien commencer l'avant-dernière semaine de cette année. Vous en souhaitez une pincée de plus?
Marguerite Yourcenar place dans la bouche de l'empereur Hadrien un constat qui situe l'homme: « Quand on aura allégé le plus possible les servitudes inutiles, évité les malheurs non nécessaires, il restera toujours, pour tenir en haleine les vertus héroïques de l'homme, la longue série des maux véritables, la mort, la vieillesse, les maladies non guérissables, l'amour non partagé, l'amitié rejetée ou trahie, la médiocrité d'une vie moins vaste que nos projets et plus terne que nos songes 1. » Tel est, tôt ou tard, le lot commun, je ne le sais que trop. Mais où chercher les vertus à même d'adoucir la dureté de l'existence et comment forger l'état d'esprit, l'arme à opposer à l'ennemi?
Peut-être sied-il de partir de l'unique certitude, de la perspective du néant dont nous procédons et vers lequel nous sommes précipités chaque jour? Au cur même des réjouissances, le tragique nous précède, tant que nous vivons. Le nier, c'est en quelque sorte le mettre au premier plan. Complice ou adversaire, il constitue la toile de fond, la substance même de ma condition. Un tel constat est évidemment loin de mettre en joie. Pascal l'avait vu. On cherche à fuir le tragique dans les jeux, dans l'action;
"Langage d'avant le langage, le sourire dit toujours ce qu'aucun langage ne sera capable de traduire."
Patrick Devret . Le sourire. Gallimard NRF 1999.
Le célèbre et énigmatique sourire de Mona Lisa traduit à 83 % le bonheur, à 9 % le dédain, à 6 % la peur et à 2 % la colère, ont conclu des scientifiques qui l'ont décrypté.
Le chef d'oeuvre de Léonard de Vinci, qui garde son mystère depuis 500 ans, a été passé au crible d'un logiciel de reconnaissance des émotions, à l'université d'Amsterdam, aux Pays-Bas, rapporte l'hebdomadaire britannique de vulgarisation scientifique New Scientist.
L'algorythme utilisé, développé conjointement à Amsterdam et par des chercheurs de l'université d'Illinois (Etats-Unis), prend en compte les principaux traits du visage, tels que la courbure des lèvres ou les pattes d'oie autour des yeux, et les met en relation avec six émotions de base.
Platon dit: « Pour enseigner, il faut de l'éros. » L'éros est un mot grec qui signifie le plaisir, l'amour, la passion. Pour communiquer, il ne sert à rien de débiter du savoir en tranches, mais il faut aimer ce que l'on fait et aimer les gens qui sont en face de nous. L'enseignant est celui qui, à travers ce qu'il professe, peut vous aider à découvrir vos propres vérités.
E Morin Dialogue sur la connaissance, p.28, Édition de l'aube, 2002
"Comment la clarté des étoiles nous serait-elle visible si la nuit ne leur prêtait pas , pour s'en détacher, son fond de ténèbres?
Christiane Singer. Une passion entre ciel et chair.
Tout est à prendre en part égale sur cette terre. On repense au quatrain de Lao-Tseu
"Le malheur
marche au bras du bonheur
Le bonheur
couche au pied du malheur."
Telle déchirure à vingt ans se révèle une bénédiction à quarante, la vie distribue toute chose avec sagesse.
Gare du Nord
Mais que font les trains dans les gares
depuis qu'on ferre les chemins?
Dans les gares, les trains rêvent
et tous ces rêves de tant de trains
emplissent l'air dans les gares,
autour des gares et parfois loin.
Que font les humains dans les gares?
Ils consultent en courant
les horaires de l'amour
qui les attendait, qui les attend,
de l'amour qui les attendra.
Ils font rêver les trains
et vibrer l'air dans les gares,
autour des gares et parfois loin.
Francis Dannemark. Une fraction d'éternité
Note de l'auteur.
Un jour, on m'a proposé d'écrire un poème à propos d'une gare française. C'était pour le Printemps des Poètes. La SNCF, partenaire de l'opération, allait afficher des poèmes, en offrir aux voyageurs. J'ai choisi la gare du Nord, à Paris ,. c'est la seule gare que je
connaisse un peu, avec la gare du Midi, à Bruxelles. Si l'on se déplace en train, on ne peut pas connaître moins de deux gares. C'est aussi le nombre minimum de personnes requises pour une histoire d'amour digne de ce nom. Moins, ce n'est pas assez. Il arrive pourtant qu'on doive s'en contenter. Le voyage s'en ressent.
"Le bleu ne fait pas de bruit. C'est une couleur timide, sans arrière-pensée, présage ni projet, qui ne se jette pas brusquement sur le regard comme le jaune ou le rouge, mais qui l'attire à soi, l'apprivoise peu à peu, le laisse venir sans le presser, de sorte qu'en elle il s'enfonce et se noie sans se rendre compte de rien."
J.-M.Maulpoix, "Une Histoire de bleu", Mercure de France, 1992.
Ce que l'Occident veut imposer désormais au monde entier, sous couvert de l'universel, ce ne sont pas des valeurs, c'est justement labsence de valeurs. Partout où survit, persiste quelque singularité, quelque minorité, quelque idiome spécifique, quelque passion ou croyance irréductible, et surtout quelque vision du monde antagoniste, il fait imposer un ordre différent... Nous distribuons généreusement le droit à la différence mais, secrètement, et, cette fois inexorablement, nous travaillons à produire un monde exsangue et indifférencié. »
Jean Baudrillard (né en 1929 à Reims, germaniste de formation, habituellement reconnu comme sociologue et philosophe français)
Diagonales Est Ouest
en enlevant les feuilles
de la flaque de la cour
je libère la lune
HF Noyes . Haïku
"Un crédit à long terme, ça veut dire que moins tu peux payer, plus tu payes."
Coluche. Extrait du sketch Le syndicat - 1979
Vous voulez peindre une peinture parfaite
tendez-vous même vers la perfection
et peignez naturellement
Sagesse Zen , citée par Simon Leys
E-ducere.
Conduire dehors.
... l'éducation: révéler à l'enfant l'immensité de ce qui l'entoure, et qui l'habite.
Tout le reste vient longtemps, longtemps après.
Christiane Singer. N'oublie pas les chevaux écumants du passé.
"Moi, je ne m'oppose pas, je résiste. Nuance ! L'opposition laisse éternellement insatisfait. l'opposant cherche le pouvoir. Il est noué de convoitise. Le résistant, lui, ne revendique rien, si ce n'est sa liberté. Il n'a que faire de conquérir, de convaincre, de gagner. Il est seul et heureux dans sa solitude. il n'a besoin d'aucun parti, d'aucune idéologie. Sa morale lui suffit. une solide morale, lentement forgée, est la boussole qui permet d'avancer, tandis qu'une idéologie ne sera souvnet qu'un carcan qui empêche de dévier"
V. Magos
Qui sait si cette autre moitié de la vie où nous pensons veiller n'est pas un autre sommeil un peu différent du premier.
Blaise Pascal . Pensées
« Ayant bu des mers entières, nous restons tout étonnés que nos lèvres soient encore aussi sèches que des plages, et toujours nous cherchons la mer pour les y tremper, sans voir que nos lèvres sont les plages et que nous sommes la mer. »
Attâr, poète mystique persan, XIIème et XIIIème siècles
"La vie c'est de l'eau.. Si vous mollissez le creux de la main, vous la gardez, Si vous serrez les poings, vous la perdez."
Jean Giono.
22 novembre: il y a 42 ans, l'assassinat du président Kennedy. Dans ma mémoire, c'est comme si c'était hier. J'avais 12 ans et me demande si ce n'est pas ce qui m'a fait sortir de l'enfance.
Dans un tout autre domaine, récit touchant d'une patiente célibataire quinquagénaire ce soir à la consultation. Le récit se place à l'accueil d'un restaurant: combien de personnes madame? Je suis seule. "Hola" compassionnel. Est-ce une tare, monsieur? Un ange passe. Il reste une table pour personnes seules, en fond d'établissement, derrière la caisse, invisible de tous.
"Un terrain vague, de vagues clôtures, un couple divague sur la maison future. On s'endette pour trente ans, ce pavillon sera le nôtre, et celui de nos enfants corrige la femme enceinte. Les travaux sont finis, du moins le gros oeuvre, ça sent le plâtre et l'enduit et la poussière toute neuve.
Les petits enfants espérés apparaissent, dans le frigo, on remet des glaces. La cabane du jardin trouve une deuxième jeunesse, c'est le consulat que rouvrent les gosses. Le grenier sans bataille livre ses trésors, ses panoplies de cow-boys aux petits ambassadeurs, qui colonisent pour la dernière fois la modeste terre promise, quatre murs et un toit. Cette maison est en vente comme vous le savez, je suis, je me présente, agent immobilier. Je dois vous prévenir si vous voulez l'acheter, je préfère vous le dire cette maison est hantée. Ne souriez pas Monsieur, n'ayez crainte Madame, c'est hanté c'est vrai mais de gentils fantômes. De monstres et de dragons que les gamins savent voir, de pleurs et de bagarres, et de copieux quatre-heures, "finis tes devoirs", "il est trop lourd mon cartable", "laisse tranquille ton frère", "les enfants : à table !".
Superbes paroles d'un auteur compositeur que je découvre ce soir grâce à une de mes frères. Comment ne pas être touché par cette poésie du quotidien, réflexion sur l'âme d'une maison que l'on quitte?
Bénabar . Quatre murs et un toit.
Pour un esprit, venu d'ailleurs, qui tomberait sur cette Terre et qui en ignorerait tout, l'eau serait un objet de stupeur presque autant que le temps. L'eau est une matière si souple, si mobile, si proche de l'évanouissement et de l'inexistence qu'elle ressemble à une idée ou à un sentiment. Elle ressemble aussi au temps, qu'elle a longtemps servi à mesurer, au même titre que l'ombre et le sable. Le cadran solaire, le sablier, la clepsydre jettent un pont entre le temps et la matière impalpable de l'ombre, du sable et de l'eau. Plus solide que l'ombre, plus subtile que le sable, l'eau n'a ni odeur, ni saveur, ni couleur, ni forme. Elle n'a pas de taille. Elle n'a pas de goût. Elle a toujours tendance à s'en aller ailleurs que là où elle est. Elle est de la matière déjà en route vers le néant. Elle n'est pas ce qu'on peut imaginer de plus proche du néant: l'ombre, bien sûr, mais aussi l'air sont plus si l'on ose dire - inexistants que l'eau.
Ce qu'il y a de merveilleux dans l'eau, c'est quelle est un peu là, et même beaucoup, mais avec une délicatesse de sentiment assez rare, avec une exquise discrétion. Un peu à la façon de l'intelligence chez les hommes, elle s'adapte à tout et à n'importe quoi. Elle prend la forme que vous voulez : elle est carrée dans un bassin, elle est oblongue dans un canal, elle est ronde dans un puits ou dans une casserole. Elle est bleue, verte ou noire, ou parfois turquoise ou moirée, ou tout à fait transparente et déjà presque absente. Elle est chaude ou froide, à la température du corps, ou bouillante jusqu'à s'évaporer, ou déjà sur le point de geler et de se changer en glace. Tantôt vous l'avalez et l'eau est dans votre corps; et tantôt vous vous plongez en elle et c'est votre corps qui est dans l'eau. Elle dort, elle bouge, elle change, elle court avec les ruisseaux, elle gronde dans les torrents, elle s'étale dans les lacs ou dans les océans et des vagues la font frémir, la tempête la bouleverse, des courants la parcourent, elle rugit et se calme. Elle est à l'image des sentiments et des passions de l'âme.
Ce serait une erreur que de prêter à l'eau, à cause de sa finesse et de sa transparence, une fragilité dont elle est loin. Rien de plus résistant que cette eau si docile et toujours si prête à s'évanouir. Là où les outils les plus puissants ne parviennent pas à atteindre, elle pénètre sans difficulté. Elle use les roches les plus dures. Elle creuse les vallées, elle isole les pierres témoins, elle transforme en îles des châteaux et des régions entières.
Elle est douce, fraîche, légère, lustrale, bénite, quotidienne, de vie, de rose, de fleur d'oranger, de cour, de toilette ou de table, thermale ou minérale, de Cologne ou de Seltz. Elle peut aussi être lourde, saumâtre, meurtrière et cruelle. Sa puissance est redoutable. Ses colères sont célèbres. Elle porte les navires qui n'existent que par elle, et elle leur inflige des naufrages qui font verser des larmes aux veuves de marins. Lorsqu'elle se présente sous forme de mur, lorsqu'elle s'avance, selon la formule des poètes et des rescapés, à la vitesse d'un cheval au galop, lorsqu'elle s'abat sur les côtes et sur les villes, elle fait surgir du passé les vieilles terreurs ancestrales.
Aussi vieille que la terre, ou plus vieille, plus largement répandue à la surface de la planète, complice des algues, des nénuphars, du plancton et du sel, fière de ses origines, consciente des services qu'elle a rendus à l'homme dont elle a longtemps abrité et nourri les ancêtres, puisque durant trois milliards et demi d'années tout ce qui vit est sous l'eau, elle considère toute matière autre qu'elle-même avec une sorte de dédain. Comme la lumière, elle est nécessaire à la vie. Supprimez l'eau, c'est le désert, la ruine, la fin de tout, la mort. II n'y a pas d'eau sur la Lune. Aussi peut-on assurer que ses paysages sont lunaires.
Jean d'Ormesson
L'EAU
Presque rien sur presque tout
"On passe sa vie
à prouver aux autres qu'on existe :
quelle connerie !"
Jacques Chanaz
....Éphémères !
Qu'est l'homme ? Que n'est pas l'homme ? L'homme est le rêve
D'une ombre...Mais quelquefois, comme
Un rayon descendu d'en haut, la lueur brève
D'une joie embellit sa vie, et il connaît
Quelque douceur...
Pindare, traduit par Marguerite Yourcenar
Hymne Pythique, 95-100
Jean se savait perdu. Il avait dit : "Fin de moi difficile.", formule admirable d'humour, de lucidité et de douleur."
Edgar Morin. Pleurer, aimer, rire, comprendre.
"Le plus court chemin de soi à soi, c'est l'autre."
Paul Ricoeur
En exergue du dernier Prix Medicis de l'Essai, dont j'extrais ces belles lignes sur le bonheur. petit cadeau anodin mais précieux pour commencer sa semaine.
"Je me suis laissé porter par la vague, je me suis allongée et le malaise est passé. Maintenant, je me repose dans un fauteuil en osier. Le monde s'engouffre par les portes de mes yeux, je le laisse entrer et il m'emplit d'une matière aérienne, élastique et douce. Je suppose que c'est le bonheur, cette alliance de la lumière, du son et de la douceur de l'air. Le bonheur dure peu de temps, mais, si on lui en laisse la place, il peut occuper un très grand espace.
Le malheur n"est pas le contraire du bonheur. Il n'en est pas le revers, pas plus que la vie n'est une médaille qui présenterait alternativement sa face claire et sa face d'ombre. Le malheur ne s'use pas. Le malheur peut durer longtemps. Mais, si on lui interdit de s'étendre, on arrive à restreindre considérablement la place qu'il occupe. Il faut s'y employer bien sûr un peu sérieusement.
Le malheur et le bonheur peuvent cohabiter. Il n'est pas donné à tout le monde de le savoir. Il n'est pas donné à tout le monde de forcer les portes de l'expérience. "
in La Vie sauve. L. Violet et M. Desplechin.
C'était
C'était l'union particulière
D'un rayon de lune à la mer
Ou de la nuit à la lumière
L'alliance de deux univers
C'était le vent mêlé aux flots
Le sable aux plumes d'un oiseau
C'était un souffle au ras de l'eau
Un peu de sel au grain de peau
C'était un conte une berceuse
Pour une petite fille sage
La brise souple et vaporeuse
Semblait animer les images
C'était quelques heures d'insouciance
Comme la mariée était belle
C'était un peu d'adolescence
Dans les couleurs d'une aquarelle
Régine Foucault
Vivent les mariés de ce jour, que la vie leur soit belle.
Et tant pis pour ceux qui s'étonnent
Et que les autres me pardonnent,
Mais les enfants ce sont les mêmes,
A Paris ou à Göttingen.
O faites que jamais ne revienne
Le temps du sang et de la haine
Car il y a des gens que j'aime,
A Göttingen, à Göttingen."
Barbara
11 novembre, armistice , les armes de 18 se turent. L'Histoire
hélas repasse les plats.
Ce soir, Barbara chante à Göttingen, ville universitaire en Basse-Saxe,
à mi-chemin entre Bonn et Berlin, quelques années à peine après la fin
de la guerre 40-45. Les enfants blonds de Göttingen doivent s'y mettre
à 50 pour hisser le lourd piano à queue sur la scène. Elles et eux se
parlent par gestes et sourires, ne se comprenant guère.
Et quand elle apparaît enfin, pâle et noire dans le halo des
projecteurs, il se lèvent et fredonnent avec elle la petite cantate
dédiée à son accompagnatrice morte récemment. L'émotion est palpable,
la guerre si proche, si lointaine. Barbara termine ce soir-là en improvisant
un cantique sur la paix revenue, dédié à ses blonds amis de Göttingen .
Faites que jamais ne revienne...
Quand un arbre tombe, on l'entend ; quand la forêt pousse, pas un bruit."
Proverbe africain
" Tira più un capèllu di dónna capu su ca una funa capu iò "
Un cheveu de femme a plus de force en montée
qu'une corde en poil de chèvre en descente.
Proverbe corse
"Tecum habita."
adage latin
"Habite avec toi-même", ou mieux "vis en bonne harmonie avec toi-même".
Tout un programme.
La vie peut être plus belle que ne la consentent les hommes.
La sagesse n'est pas dans la raison, mais dans l'amour.
André Gide
"La véritable connaissance est de connaître l'étendue de son ignorance »
Confucius
"Mon rapport à la transcendance passe part l'art et en particulier par la musique. Mais non par les pratique religieuses. Les salles de concert sont mes églises. Et les quatuors de Schubert me parlent, plus éloquemment que les arguments philosophiques, d'un au-delà qui nous dépasse et nous entoure de toutes parts. Je rejoins Saint-John Perse : « Quand les mythologies s'effondrent, c'est dans la poésie que trouve refuge le divin ».
Hubert Reeves . Intimes convictions.
Fête de Toussaint. Quand la nature épouse le symbole, les feuilles mortes qui virevoltent dans le vent et sont tombées en masse en quelques heures, jonchant le sol d'une couche ocre et odoriférante qui adoucit la marche, quand la nuit s'allonge d'une heure pour donner aux soirées une ambiance d'hiver, quand d'énormes chrysanthèmes se balladent en rue sur des jambres habillées de sombre comme des hommes-fleurs, perce en nous les éternelles questions sans réponse : qui sommes-nous, d'où venons-nous, où allons-nous?
"Pour ce qui est de l'avenir,
il ne s'agit pas de le prévoir,
mais de le rendre possible."
Antoine de Saint-Exupéry
Je vous souhaite une bonne semaine
CV.
"Il (papa) casse une noix en l'écrasant dans sa main,
il la mâhe avec plaisir.
Maman aimait bien les amandes, à table il n'y en a pas,
je n'en ai pas acheté. A table il faut un peu de deuil."
Erri De Luca. Montedidio.
On portait le deuil jadis, petite place discrète faite aux
disparus dans nos journées, dans notre vie. Peut-être nous
faudra-t-il réinventer cette connivence avec des signes qui
soient contemporains, clin d'oeil fugace à l'être cher pour
lui signifier "Tu es là , et tu n'es pas là. On n'oublie rien."
Tijl Uilenspiegel portait les cendres de Claes son père dans
une pochette qui lui battait la poitrine, et le rappelait souvent.
Il existe sans doute des signes plus poétiques, telles les étoiles
qui rient, pareilles à mille grelots, du Petit Prince. Il nous
reste à réinventer Halloween et la Toussaint avec des accents
de notre temps.
"C'est le contraire du vélo, la bicyclette. Une silhouette profilée mauve fluo dévale à soixante-dix à l'heure : c'est du vélo. Deux lycéennes côte à côte traversent un pont à Bruges : c'est de la bicyclette. L'écart peut se réduire. Michel Audiard en knickers et chaussettes hautes au comptoir d'un bistro : c'est du vélo. Un adolescent en jeans descend de sa monture, un bouquin à la main, et prend une menthe à l'eau à la terrasse : c'est de la bicyclette. On est d'un camp ou bien de l'autre. Il y a une frontière. Les lourds routiers ont beau jouer du guidon recourbé : c'est de la bicyclette. Les demi-course ont beau fourbir leurs garde-boue : c'est du vélo. Il vaut mieux ne pas feindre, et assumer sa race. On porte au fond de soi la perfection noire d'une bicyclette hollandaise, une écharpe flottant sur l'épaule. Ou bien on rêve d'un vélo de course si léger : le bruissement de la chaîne glisserait comme un vol d'abeille. A bicyclette, on est un piéton en puissance, flâneur de venelles, dégustateur du journal sur un banc. A vélo, on ne s'arrête pas : moulé jusqu'aux genoux dans une combinaison néospatiale, on ne pourrait marcher qu'en canard, et on ne marche pas.
C'est la lenteur et la vitesse ? Peut-être. Il y a pourtant des moulineurs à bicyclette très efficaces, et des petits pépés à vélo bien tranquilles. Alors, lourdeur contre légèreté ? Davantage. Rêve d'envol d'un côté, de l'autre familiarité appuyée avec le sol. Et puis, opposition de tout. Les couleurs. Au vélo l'orange métallisé, le vert pomme granny, et pour la bicyclette, le marron terne, le blanc cassé, le rouge mat. Matières et formes aussi. A qui l'ampleur, la laine, le velours, les jupes écossaises ? A l'autre l'ajusté dans tous les synthétiques.
On naît à bicyclette ou à vélo, c'est presque politique. Mais les vélos doivent renoncer à cette part d'eux-mêmes pour aimer, car on n'est amoureux qu'à bicyclette."
Philippe Delerm
"Il n'est à voir que ton visage
Entendre que ta voix aimée
Car soient mes yeux ou non fermés
Je n'ai que toi de paysage
Que toi de ciel et d'horizon
Que toi de sable dans mes dunes
De nuit noire et de clair de lune
De soleil à mes frondaisons
Breughel d'Enfer ou de Velours
Moulins tulipes diableries
N'est Hollande à ma songerie
Que mon amour que mon amour."
Louis Aragon Le voyage en Hollande
Si le grands bonheurs sont simples, le mystère de la disparition d'un être cher nous laisse muets: la réserve de rires, de rêves, de découvertes paraissait encore si peu entamée.
Henriane, l'épouse de Dominique Pestiaux, a quitté ses proches dans la sérénité ce samedi après midi. Leur diginité dans l'épreuve nous a tous fait grandir, et mesurer le vide que laisse pareille disparition. Pour tout cela, nous voudrions leur témoigner notre gratitude et notre amitié.
Henriane lisait certains de ces modestes messages entre café et journal. Regardant le ciel étoilé les soirs de temps clair, on aura bonheur à l'imaginer sur une étoile guère éloignée de celle du Petit Prince découvrant les pensées de ses frères humains qu'elle aimait tant.
" Nous sommes pleins de choses
qui nous jettent à la porte de nous mêmes."
Jean Cocteau
"A quoi bon la pompe et l'apprêt ?
Nu je suis né , nu je mourrai."
Pallaas, 5e s. de notre ère.
Anthol pal. X, 53
J'entends à mon réveil le chant d'un merle. Mon choix à cet instant est le suivant: entrer dans ma journée avec cette cantate ailée, ou appuyer sur le bouton du transistor pour entendre les nouvelles d'un monde qui, au fond, ne sont jamais neuves. Ma joie et mon coeur vont vers le merle et je ne sais quelle puissance plus grande me fait appuyer sur le bouton du poste. Étrange comme nous sommes à nous-mêmes nos pires adversaires.
C Bobin
"Je suis un jour entré dans un lien où chaque parole de l'un était recueillie sans faute par l'autre. Il en allait de même pour chaque silence. Ce n'était pas cette fusion que connaissent les amants à leurs débuts et qui est un état irréel et destructeur. Il y avait dans l'amplitude de ce lien quelque chose de musical et nous y étions tout à la fois ensemble et séparés, comme les deux ailes diaphanes d'une libellule. Pour avoir connu cette plénitude, je sais que l'amour n'a rien à voir avec la sentimentalité qui traîne dans les chansons et qu'il n'est pas non plus du côté de la sexualité dont le monde fait sa marchandise première - celle qui permet de vendre toutes les autres. L'amour est le miracle d'être un jour entendu jusque dans nos silences, et d'entendre en retour avec la même délicatesse: la vie à l'état pur, aussi fine que l'air qui soutient les ailes des libellules et se réjouit de leur danse."
Christian Bobin
Tout passe
et tout demeure
Mais notre affaire est de passer
De passer en traçant
Des chemins
Des chemins sur la mer
Voyageur, le chemin
C'est les traces
de tes pas
C'est tout ; voyageur,
il n'y a pas de chemin,
Le chemin se fait en marchant
Le chemin se fait en marchant
Et quand tu regardes en arrière
Tu vois le sentier
Que jamais
Tu ne dois à nouveau fouler
Voyageur! Il n'y a pas de chemins
Rien que des sillages sur la mer
Antonio Machado
"I stood reflected
Saw myself
I gripped the window
Pressed my mouth
I tried to reach you
Through the mirror
Through the Window
Through the past
I tried to reach you but
The light deceived me
Where 1 was was
Only shadow
What 1 pressed was
Only glass
Let the mirror that
Keep us apart
Become
The window of
The heart."
Chris Cutler. I tried to reach you
Superbe poème découvert aujourd'hui au détour d'une lecture,
ode à la communication et à sa difficulté.
Et en même temps, superbe ode d'espérance.
Je vous souhaite une bonne semaine
CV.
L'ombre légère d'un nuage errant
caresse l'herbe furtivement
Le ciel est ciel calme
miroir tissé de la clarté du jour
La vie dans le creux de la main
rire d'eau fraîche à la fontaine
Les feuilles tremblent dans le vent
Un oiseau chante légère joie
et la douleur pour un instant
oublie le temps
A WANG WEI . Claude Roy
Petite pensée amicale à ceux
dont ce jour commence par une douleur
"La vieillesse, c'est l'hiver pour les ignorants et le temps des moissons pour le sage"
Proverbe yiddish
"Je compare la vie d'un homme à la terrifiante beauté d'un bonzail ou d'un vieux pin sur les récifs en bord de mer qui a pris les plis du vent avec le temps. On le juge beau à l'automne de sa vie, mais quel sacrifice a-t-il dû accepter pour pousser ainsi? S'il a connu un destin singulier, c'est que, dès sa tendre enfance, il a été éprouvé par les tempêtes, ballotté par les vents, les intempéries de toutes sortes. Déraciné, transporté d'un milieu à un autre, subissant les affres d'acclimatations bizarres, il n'est plus jamais à l'aise ni dans un lieu ni dans un autre... Il recherche alors, forcément, inlassablement, l'unité primordiale perdue."
Fabienne Verdier
" L'an dernier j'ai suivi Claude Monet à la recherche d'impressions. Ce n'était plus un peintre, en vérité, mais un chasseur. Il allait, suivi d'enfants qui portaient ses toiles, cinq ou six toiles représentant le même sujet à des heures diverses et avec des effets différents. Il les prenait et les quittait tour à tour, suivant les changements du ciel. Et le peintre, en face du sujet, attendait, guettait, le soleil et les ombres, cueillait en quelques coups de pinceau le rayon qui tombe ou le nuage qui passe, et, dédaigneux du faux et du convenu, les posait sur la toile avec rapidité. Je l'ai vu saisir ainsi une tombée étincelante de lumière sur la falaise blanche et la fixer à une coulée de tons jaunes qui rendaient étrangement surprenant l'effet de cet insaisissable et aveuglant éblouissement. Une autre fois, il prit à pleines mains une averse abattue sur la mer et la jeta sur sa toile. Et c'était bien de la pluie qu'il avait peinte ainsi, rien que de la pluie voilant les vagues, les roches et le ciel à peine distincts sous ce déluge."
Guy de Maupassant, La vie d'un paysagiste, 28 septembre 1886
"Avec l'âge, j'ai appris à me résigner à être Borges."
Jorge Luis Borges
Pour rassurer mes amis qui s'inquiètent: la phrase d'hier (le gel , le silence dur et glacial.. ) est fortuite, et ne correspond à rien de vécu passé ou présent. Bon mental, pas de soucis. Ouf.
Par contre à celle d'aujourd'hui je pourrais adhérer .
"L'amour n'est pas forcément un sentiment réciproque. L'amitié au contraire, me semble-t-il, requiert toujours de la réciprocité. Je ne puis être l'ami de quelqu'un qui n'est pas mon ami."
Francesco Alberoni
On a tout dit, et son contraire, sur l'amour et l'amitié. Cette dernière phrase me paraît néanmoins contenir une réflexion originale.
"Ma fille a sept ans, et parmi les autres parents de sa classe, certains se plaignent que leurs enfants ne lisent pas par plaisir. Lorsque je vais chez eux, la chambre des enfants est bourrée de livres hors de prix, mais celle des parents est vide. Ces enfants ne voient pas leurs parents lire, comme j'ai vu lire les miens chaque jour de mon enfance. En revanche, quand je vois dans un appartement des livres sur les étagères, des livres sur les tables de nuit, des livres par terre, des livres sur le réservoir d'eau des toilettes, alors je sais ce que je verrais si j'ouvrais la porte affichant « Privé - Interdit aux Grandes Personnes » : un gamin vautré sur son lit, en train de lire."
Catherine Pierre , Ex-libris
"Un véritable système éducatif devrait se proposer trois objectifs. À tous ceux qui veulent apprendre, il faut donner accès aux ressources existantes, et ce à n'importe quelle époque de leur existence. Il faut ensuite que ceux qui désirent partager leurs connaissances puissent rencontrer toute autre personne qui souhaite les acquérir. Enfin, il s'agit de permettre aux porteurs d'idées nouvelles, à ceux qui veulent affronter l'opinion publique, de se faire entendre."
Ivan Illich Une société sans école
"Siempre fuiste mi espejo,
quiero decir que para verme tenía que mirarte."
Cortazar
"Tu as toujours été mon miroir
Je veux dire que pour me contempler moi-même,
il me fallait te regarder."
Merci à Emmanuel pour son aide diligente. C'est aussi beau que je le devinais.
"Des grelons tombent durement sur Panurge et. quand ils se liquéfient, on voit qu'il s'agit de paroles gelées.
Tout livre est une parole gelée qui doit être réchauffée par la main des hommes."
D'après Rabelais, Panurge
Qui pourra me dégeler ces vers de Cortazar (extraits de Bolero)
"Siempre fuiste mi espejo,
quiero decir que para verme tenía que mirarte."
"Savoir que quelqu'un ment ne nous apprend rien sur ce qu'il pense."
Gilles Jobin
"Sans les arbres dans lesquels il joue
le vent resterait invisible.
Ainsi des époux et de l'amour."
C. Singer
"Un homme qui cultive son jardin, comme le voulait Voltaire.
Celui qui est heureux que sur terre il y ait de la musique.
Celui qui découvre avec plaisir une étymologie.
Deux employés qui dans un café jouent silencieusement aux échecs.
Le potier qui prémédite une couleur et une forme.
Le typographe qui compose bien cette page,qui peut-être ne lui plaît pas.
Un homme et une femme qui lisent les tercets finaux d'un certain chant.
Celui qui caresse un animal endormi.
Celui qui justifie ou veut justifier un mal qu'on lui a fait.
Celui qui est heureux que sur terre il y ait Stevenson.
Celui qui préfère que les autres aient raison.
Ces personnes,qui s'ignorent,
ce sont elles qui sauvent le monde."
Les Justes. Jorge Luis Borgès.
qu'on se rend compte
que c'est passé.
..
Rien que pour un instant
L'éphémère devienne
Eternité
Saez
21 septembre. Fin d'été. Un seul ennui, les jours raccourcissent, comme le note bien Flora Groult.
Une lune pleine et ronde, grosse comme une Terre, taille des croupières au soleil depuis quelques jours.
Ce petit je ne sais quoi d'électrique dans l'air le matin est réapparu dans nos rues, avec la brume des pots d'échappement.
Les maux de dos réapparaissent, les céphalées, les toux irritatives. Et pourtant "j'aime septembre, ses jours plus courts
ses nuits plus longues, quand je vois descendre De l'or et de l'ambre Au fond de tes yeux." C'était Nana, c'était hier, c'est bien loin.
"Il n'y a pas de grand homme pour son valet de chambre."
Condé
Pour la petite histoire, Hegel y ajouta, perfide, que le valet de chambre n'avait qu'un point de vue de valet de chambre, ne découvrant son maître que dans les banalités et les prosaïtés de la vie quotidienne.
Ce point de vue est pourtant vrai : le grand homme ne l'est jamais ni intégralement, ni en permanence
Le point de vue du valet de chambre doit être intégré et dépassé dans le méta point de vue (wouah!)où le grand homme est grand par ailleurs (en politique, à la guerre, en littérature).
Petite leçon de contextualisation, ou multifocalisation selon E. Morin.
Je vous souhaite une bonne semaine
CV.
"Quand on ne peut comprendre, on commence par juger."
Nietzsche.
Le hasard de quelques lectures après avoir coché cette phrase du célèbre philosophe allemand m'en fait découvrir d'autres, que je ous joins:
« Le principe suprême de toute éducation : n'offrir un mets qu'à ceux qui ont faim. »
« Je ne pourrais croire qu'à un Dieu qui saurait danser.»
ainsi que ce court poème :
« Il fait nuit : voici que s'élève plus haut la voix des fontaines jaillissantes.
Et mon âme, elle aussi, est une fontaine jaillissante.
Il fait nuit: voici que s'éveillent tous les chants des amoureux.
Et mon âme, elle aussi, est un chant d'amoureux.»
Nietzsche
"Nous avons payé l'arbitre pour qu'il te déclare vainqueur; nous avons payé ton adversaire pour qu'il te laisse gagner. Le reste dépend de toi."
Marx Brothers
"Bois du lent oubli
ombre souveraine
calme ma peine et mes regrets
beau bois épais
verse sur mon âme
ta sainte paix
verse en mon âme
comme un nyctamen
ta sainte paix
ta sainte paix."
Largo de Handel
"C'est une chose de penser que l'on est sur le bon chemin,
une autre de croire que ce chemin est le seul"
Paulo Coelho
"Connaître les autres, c'est sagesse. Se connaître soi-même, c'est sagesse supérieure. Imposer sa volonté aux autres, c'est force. Se l'imposer à soi- même, c'est force supérieure."
Lao-tseu
Une dernière fois Georges est allé marcher dans la mer, laissant les embruns gifler son visage de vieux boucanier, cassant de ses mollets aux chausses retroussées les vagues immortelles. Il se sait atteint dun mal torpide et célèbre avec une joie sourde cette ultime baignade.
Tout dans le monde qui nous crée est le siège dune répétition éternelle et rassurante : le retour du printemps, lheure dété, la fragilité des perce-neige, la splendeur mordorée des feuillages mosans à lautomne. La neige immaculée et le soleil pâle à travers les arbres nus. La pleine lune. Le retour des cigognes.
Lêtre humain se rassure comme il peut, jouant lui aussi à la répétition : célébration joyeuse des anniversaires, des fêtes liturgiques, des premières dents, des premières règles, des premiers salaires. « A lan prochain, à la même heure » paraît être la devise dune humanité de fêtards prenant congé les uns des autres au terme dune année. Derrière les embrassades perce sans doute un zeste dinquiétude, vite neutralisé par les rires et les pétards : si cétait la dernière fois? Où suis-je sur mon échelle du Temps, ce projet entamé serait-il le dernier, de combien de cailloux dispose encore le Petit Poucet qui dort en chacun de nous?
Nous sommes des créatures appelées à vivre un nombre incalculable de « dernières fois ». La dernière poussée dentaire, la dernière joie de lenfantement, la dernière fois quon donne son sein chaud à téter à son dernier bébé, les dernières règles, la dernière fois à faire lamour, la dernière cueillette des mirabelles, si juteuses et si parfumées cette année quon se dit quaprès en avoir goûté de pareilles on a connu le bonheur sur terre. Le dernier envol des canards sauvages. La dernière fois quon défait le lit de la petite dernière qui quitte la maison pour de bon avec son amoureux. La dernière fois quon pleure de bonheur en apprenant une naissance.
Petits deuils dune existence, que je vous aurai appréciés. Mis bout à bout, ils portent un nom sublime : le bonheur. Ce fut celui dune écriture depuis de longues années, sous un pseudo autorisant une transparence et une sincérité sans faille, des émerveillements quotidiens dun simple généraliste. Les visites buissonnières racontaient la vie, demblée donc on savait quil y aurait une dernière fois. Toutes les fins ont quelque chose de magique : on est heureux, et on pleure à la fois. Merci aux innombrables lecteurs qui au fil des semaines nous ont encouragés de la parole ou de lécrit. Ce dernier billet leur est dédié, comme un foulard quon agite au loin pour sassurer quon ne soubliera pas.
Zénon.
Les vrais sages
Qu'ont-ils de plus que nous?
Plus de désert
C'est-à-dire moins ...
Moins de bruit
Moins de mental
Moins de soucis
Moins d'illusions
Moins d'argent
Moins ...
Les vrais sages
Sont déserts
Nous projetons sur eux
Nos plus beaux mirages
Et lorsque nous nous en approchons
Ils nous laissent seuls
Face à nous-mêmes
A nous de creuser
Notre propre puits
Découvrir alors
Que la sagesse
C'est le désert
« Moins» la soif
L'ombre ou l'oasis
Où rien n'entrave la lumière
Jean Yves Leloup, Désert, déserts
" Un radeau est chargé lourdement, la Méduse flotte à nouveau mais des avaries surviennent. L'évacuation est délicate :
les 250 passagers privilégiés, dont Chaumareys, Schmaltz et sa famille, embarquent sur six canots de sauvetage, seize marins restent à bord de La Méduse, trois survivront ;
mais 139 marins et soldats doivent s'entasser sur le radeau long de 20 mètres et large de 10 mètres avec peu de vivres. Lorsque l'amarre avec les autres canots se casse, le commandant laisse les passagers du radeau livrés à leur sort. La situation se dégrade rapidement, dès la première nuit 20 hommes se sont suicidés ou ont été massacrés.
Après treize jours, le radeau est repéré par le brick l'Argus, quinze rescapés restent à bord : pour leur survie ils ont pratiqué le cannibalisme, cinq mourront dans les jours qui suivent.
Le 13 septembre 1816, le Journal des Débats, anti-bourbon, publie le rapport officiel du chirurgien Henry Savigny, rescapé du radeau : les révélations de l'imposture de l'échouage, le récit de la tragédie avec les conditions de vie extrêmes sous le soleil, sans eau, avec des rations de plus en plus réduites, les noyades, le tout dans un climat de violence permanent, les plus forts éliminant les faibles, déclenche un scandale politique. La marine anglaise prendra en charge le rapatriement des survivants en France en raison des réticences du ministère français.
Le commandant de Chaumareys fut acquitté en cour martiale."
Wikipedia . Le radeau de la Méduse.
Les visages hagards des rescapés de La Nouvelle Orléans vous rappellent quelque chose ? Allez revoir le Radeau de la Méduse de Géricault. Deux siècles de distance, mêmes ingrédients, mêmes effets.
"C'est comme le bourdon: mathématiquement ,il est incapable de voler(rapport poids/puissance); mais le bourdon ne le sait pas et il vole..."
Igor Sikorsky
Je vous souhaite une bonne semaine
CV.
Quelqu'un arrive un jour, tout agité, auprès du Sage Socrate :
- Ecoute, Socrate, en tant qu'ami, je dois te raconter
- Arrête, as-tu passé ce que tu as à me dire à travers les Trois Passoires ?
- Les Trois Passoires ?
- Oui, mon ami, les Trois passoires ! La première est celle de la Vérité. As-tu examiné si tout ce que tu vas me raconter est vrai ?
- Non, je l'ai entendu raconter et
- Bien, bien. Mais assurément, tu l'as fait passer à travers de la deuxième Passoire ? C'est celle de la Bonté. Est-ce que, même si ce n'est pas tout à fait vrai, ce que tu as à me raconter est du moins quelque chose de bon ?
- Non pas, au contraire
- Essayons donc de nous servir de la Troisième Passoire, celle de l'Utilité et demandons-nous s'il est utile de me raconter ce qui t'agite tant.
- Utile, pas précisément
- Et bien, dit le Sage, ce que tu as à me dire n'est ni vrai, ni bon, ni utile, oublie-le et ne t'en soucie pas plus que moi.
Le hasard des lectures me permet de redécouvrir ce texte bien connu. Je lui retrouve une force et une actualité qui me surprennent. Je ne l'applique manifestement pas suffisamment pas assez dans ma propre existence.
Je vous souhaite une bonne semaine
CV.
"Pour réaliser une chose vraiment extraordinaire, commencez par la rêver"
Walt Disney
Je vous souhaite un bon week end
CV.
"Un scorpion cherchait à franchir une rivière. Soudain, il aperçoit un crocodile en train de nager
non loin de la berge. Il lappelle et lui demande sil peut le prendre sur son dos pour le faire
traverser. Oh non, rétorque le crocodile. Je te connais. Quand nous serons au milieu de la rivière, tu me piqueras et je mourrai. Pourquoi ferais-je une telle chose ? répond le scorpion. Si je te pique et que tu meures, je me noierai.
Le crocodile réfléchit un moment à la réponse du scorpion, puis accepte de le faire traverser.
Arrivé au milieu de la rivière, le scorpion le pique. Mortellement atteint, tout juste capable
de respirer, le crocodile proteste : Pourquoi as-tu fais ça ? Le scorpion réfléchit quelques instants, puis, juste avant de se noyer, répond : Je sais, je n'ai pas pu mempêcher. C'est dans ma nature."
Sagesse Zen
Curieux paradoxe (merci Rousseau, merci Lamartine) qui a fait de la Nature l'antithèse non pas de la civilisation, mais une sorte de paradis face à l'enfer. Ce qui est "naturel" est devenu un archétype publicitaire de ce qui est bon. Son contraire , l'"artificiel", résultat d'un travail de reconstitution d'une note, d'un produit donné, de l'homme qui domestique la nature (ou qui se domestique comme dans la fable du scorpion) s'est nimbé d'une coloration péjorative évidente. Les digues de La Nouvelle Orléans, vieillies, usées, fragilisées, qui ont cédé mardi sont presque rendues responsables de l'ampleur de la cruequi les a balayées.
On les oubliait presque : joyeuse rentrée aux milliers d'élèves et à leurs professeurs qui réintègrent les classes et les écoles. Fidèle à sa tradition ( à sa nature ) , ce petit billet quotidien a repris son cours, modeste contribution aux devoirs d'écriture que s'imposent à la rentrée tant de nos jeunes têtes. Merci à tous ceux qui par leur contribution me font découvrir des joyaux de textes méconnus, et que j'oublie parfois de remercier.
2 septembre 2005
"Un jour, en excursion en Afrique, le psychiatre suisse Carl Jung avait remarqué que les Africains se reposaient plus souvent quil ne lui semblait nécessaire. Il se garda bien de penser quils étaient paresseux, mais ne put se retenir de leur demander pourquoi ils avaient besoin de se reposer aussi fréquemment. Leur réponse laisse rêveur :
« Lorsque nous marchons sur ces pistes, nous nous arrêtons de temps à autre quand nous apercevons que nos âmes narrivent plus à nous suivre. Lorsque nous les avons distancées, nous attendons un peu, pour leur permettre de nous rattraper. Sans elle, nos idées deviennent confuses, et nous nous perdons
»