"Quand nous pensons l'avenir, nous le pensons comme le passé. Quand on est dans le tunnel, on n'y voit rien mais il est absurde de vouloir pour autant que le paysage à la sortie du tunnel soit le même qu'à l'entrée. »
Christian de Chergé, prieur du monastère de Tibhirine
Pour imaginer l'avenir, peut-être faudra-t-il ouvrir les yeux sous la
surface de la mer, dépassant le liseré sale que laissent les vagues sur
le sable quand elles ramènent les râles et les nouvelles du monde. Je
sors d'une réunion de sélection de projets citoyens aussi divers que
créatifs, tous issus du tissu associatif anderlechtois. Je suis médusé
par l'imagination, la prise en charge, le souhait de dépasser les
clivages dont font preuve ces groupes hétérogènes, refusant le fatalisme
et l'acceptation de situations bloquées. Dans les quartiers les plus
divers de ma commune fleurissent les bas des arbres, se rénovent les
murs borgnes, se créent des liens, des tables d'hôtes, des hôtels
d'insectes et des ruches, des partages de lecture et d'invendus
alimentaires. Dans l'extrême pauvreté on trie les pépites, et on crée de
la beauté. Les budgets tombent au compte-goutte, mais est-ce essentiel?
De nouvelles manières de vivre ensemble surgissent, créatives,
non-lucratives, non-institutionnelles. Des projets se créent et puis
meurent, comme tout ce qui est humain, laissant la place à de nouvelles
initiatives, mais des vagues de pleine mer cette fois, successives,
houleuses, porteuses, auxquelles se mesurent avec bonheur les surfeurs.
Nos quartiers urbains sont comme nos rêves, peuplés de rêves et de
peurs. Ce soir j'ai partagé les rêves.
Lu dans:
Jean-Marie Lassausse, Christophe Henning. Le Jardinier de Tibhirine. Bayard 2010. 158 pages. Points Vivre P3380. Extrait p14.
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