29 septembre 2016

Une lourdeur qui rassure

"On s'appuie seulement sur ce qui résiste."
       Charles De Gaulle.


Vivre dans l'espace ramène à bien vivre à terre. La notation que fait avec humour C. Montalbetti des conséquences de l'apesanteur débouche sur d'amusantes réflexions métaphysiques. "Avez-vous jamais pensé à remercier vos spaghettis de se tenir aussi sagement dans votre assiette au lieu d'onduler en manières de petits serpents jaunes tout autour de vous? À éprouver de la  reconnaissance pour l'eau qui, sortant de votre pomme de douche, se laisse docilement diriger vers votre corps qu'elle asperge agréablement? La gravité, je vous l'accorde, est cause que nous tombons, ou que se brisent, hélas, des objets auxquels nous tenons; mais elle retient avec bonheur nos semelles à la croûte terrestre, et organise gentiment le monde autour de nous. Là-haut, une fois gagnée l'impesanteur, les choses en vont bien autrement." A redécouvrir les avantages de la pesanteur, on finirait par se sentir léger, car elle nous permet d'organiser les choses dans une certaine permanence, échappant à cette "insoutenable légèreté de l'être" qu'évoquait Kundera. Avoir la certitude de retrouver le livre posé le matin sur sa table de chevet, ouvert à la même page, ou le vélo contre un arbre, ou un ami à son rendez-vous, structure notre existence. S'appuyer sur une épaule qui résiste, au bon moment au bon endroit, est une bénédiction. La philosophe Simone Weil évoquait les concepts antagonistes et complémentaires de la pesanteur et de la grâce, jumelles indissociables.


Lu dans:
Christine Montalbetti. La vie est faite de ces toutes petites choses. Récit de la dernière mission d'Atlantis, juillet 2011. P.O.L. 2016. 336 pages. Extrait 4e de couverture.

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