"Mamihlapinatapai"
en yagan (langue amérindienne parlée en Terre de Feu)
Un des mots les plus difficiles à traduire qu'on connaisse. Il signifie "un regard échangé entre deux personnes dont chacune espère que l’autre va prendre l’initiative de quelque chose que toutes deux désirent, sans qu’aucune des deux y parvienne". Peut précéder "fargin", en yiddish, "la joie ressentie par quelqu’un à qui il arrive ou peut arriver quelque chose de bien". Peut aussi ne déboucher sur rien du tout, ce qui nourrit la mélancolie d'être passé à côté d'un bonheur possible.
Chercheur en psychologie positive appliquée à l’université de Londres-Est, Tim Lomas a lancé en janvier 2016 le lexicography positive project , un dictionnaire en ligne de mots « intraduisibles » décrivant le bonheur. L’idée lui est venue lors d’une conférence en Floride sur le mot situ, terme finnois qui désigne la ressource face à l’adversité, le courage et la ténacité, valeur partagée par tous les Finlandais, très importante dans le pays. Ce lexique en soixante-deux langues couvre toutes les nuances de l’amour et de l’affection. Certains mots intraduisibles manquent cruellement en français, comme l’allemand Vorfreude : l’anticipation joyeuse de celui qui imagine un plaisir futur. Dans ce dictionnaire en ligne, où les internautes peuvent proposer des mots et affiner les définitions, Tim Lomas réfléchit à ces mots qui pourraient exprimer des nuances que les autres langues ne connaissent pas. Le français est présent avec retrouvailles », qui n’existe pas par exemple en anglais, ou encore s’apprivoiser ou coup de foudre. Lomas rappelle que nous faisons déjà assez naturellement des emprunts à la langue du voisin. Savoir-faire est utilisé tel quel en anglais, de même que joie de vivre.
Lu dans:
Jean-Michel Déprats. Traduire Shakespeare. Le Monde diplomatique. septembre 2016. Extrait p.27
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