"Nous sommes sans domicile fixe, le monde entier est sans abri si nous ne parvenons pas à nous sentir chez nous avec les autres."
Jens C Grondahl
La semaine passée lors d'une visite j'ai croisé en rue un couple, la
femme était entièrement voilée, visage dissimulé. Ma surprise témoigne
de la proportion ténue de ce port de la burka intégrale dans nos
quartiers pourtant fort hétérogènes de longue date: le cas demeure aussi
rare que de voir un chien à trois pattes. On oscille pourtant à ce
moment entre deux réactions simultanées, le rejet et la fuite. Ou
l'acceptation de nos différences, mais jusqu'où? L'impression de
fragilité de nos équilibres de vie face à ces nouvelles situations prend
sa source dans la totale perte de repères au quotidien, alors que nous
croyions nos rues, nos placettes, nos voisins immuables, et pour
toujours. Les voisins proches sont morts, ou ont déménagé vers des
régions plus typées, les terrasses autour de nous résonnent d'idiomes
que nous ne comprenons guère, parfois de chants; les fumets ne sont plus
ceux du barbecue bleu-blanc-belge, les visages nous sont à peine
connus. La tentation nous guette d'adopter l'expression féroce de
Sébastien Marx, journaliste et comédien américain établi en France
définissant le "con" utilisé couramment par les Français comme "tout
autre personne qui n'est pas moi". Je n'en ferai pas la mienne.
Lu dans:
Jens Christian Grondahl. Les complémentaires. Gallimard. 2013. 236 pages.
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