"J’ai toujours, devant les yeux, l’image de ma première nuit de vol en Argentine, une nuit sombre où scintillaient seules, comme des étoiles, les rares lumières éparses dans la plaine. Chacune signalait, dans cet océan de ténèbres, le miracle d’une conscience. Dans ce foyer, on lisait, on réfléchissait, on poursuivait des confidences. Dans cet autre, peut-être, on cherchait à sonder l’espace, on s’usait en calculs sur la nébuleuse d’Andromède. Là on aimait. De loin en loin luisaient ces feux dans la campagne qui réclamaient leur nourriture. Jusqu’aux plus discrets, celui du poète, de l’instituteur, du charpentier. Mais parmi ces étoiles vivantes, combien de fenêtres fermées, combien d’étoiles éteintes, combien d’hommes endormis… Il faut bien tenter de se rejoindre. Il faut bien essayer de communiquer avec quelques-uns de ces feux qui brûlent de loin en loin dans la campagne."
Antoine de Saint-Exupéry
Se faire aviateur de nuit en Argentine, du temps de l'Aérospatiale .
Guetter dans chacun de ces sans-titre, de ces sans-histoire,
sans-diplôme, le miracle d'une conscience. Chaque homme, chaque femme,
abrite dans son silence un roman, des interrogations, des échecs qui
auraient pu être autant de réussites. Rompre ce silence constitue la
plus belle victoire qu'on puisse imaginer en débutant nos journées. Et
c'est à la portée de tous.
Lu dans:
Antoine de Saint-Exupéry. Terre des hommes Poche. (Ed. originale 1939). Gallimard. 1972. 181 pages.
Antoine de Saint-Exupéry. Terre des hommes Poche. (Ed. originale 1939). Gallimard. 1972. 181 pages.
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