"Je regarde le gamin, je lui souris, il me regarde, (..) je l’entends me dire: "Il ne faut pas se faire la guerre, pas à soi-même."
Alex LoretteUn jour, sur un trottoir du quartier chinois de Singapour, une
chiromancienne dessinait son existence à une jeune fille - 17, 18 ans à
peine - en laissant son pouce sillonner les lignes de sa main. Je les
observais à distance, fasciné par l'expressivité de leur échange.
Arrivée à une bifurcation de sa ligne de vie, elle eut un geste
signifiant en même temps "c'est à toi maintenant" et "vis ta vie". Puis,
écrivant trois quatre mots résumant l'entretien sur un minuscule papier
à cigarettes soigneusement enroulé et placé au creux de la main
scrutée, elle en referma la paume et l'éleva vers le ciel en un geste
d'envol. "Il ne faut plus se faire la guerre, et surtout pas à
toi-même." Il y aura toujours quelqu'un qui courra plus vite, qui
sautera plus haut, qui sera plus élégant, plus éloquent, plus riche, de
meilleure naissance, plus rapide à la répartie, que nous ne le serons
jamais. S'accepter sans se comparer, placer la barre à la bonne
hauteur, savourer ce qui nous été donné est un chemin de sagesse.
Sacrée leçon de médecine que cette consultation de trottoir: ne pas rater l'envol au moment où on se quitte , cet ultime transfert qui rend le futur aimable; résumer l'essentiel en quelques mots placés au creux de la main; ne jamais faire de la ligne de vie une ligne de mort. Je ne revis jamais bien sûr ni la diseuse de bonne aventure ni sa jeune patiente d'un jour, mais les imagine parfois. Elles ignorent évidemment tout de ce qu'elles me transmirent à leur insu. L'empreinte inconnue qu'on laisse dans l'existence des autres, sans même s'en douter, laisse rêveur.
Sacrée leçon de médecine que cette consultation de trottoir: ne pas rater l'envol au moment où on se quitte , cet ultime transfert qui rend le futur aimable; résumer l'essentiel en quelques mots placés au creux de la main; ne jamais faire de la ligne de vie une ligne de mort. Je ne revis jamais bien sûr ni la diseuse de bonne aventure ni sa jeune patiente d'un jour, mais les imagine parfois. Elles ignorent évidemment tout de ce qu'elles me transmirent à leur insu. L'empreinte inconnue qu'on laisse dans l'existence des autres, sans même s'en douter, laisse rêveur.
Lu dans:
Alex Lorette. La ligne de partage des eaux. Ed. Lansman. Coll. Poche. 2021. 40 pages.
Alex Lorette. La ligne de partage des eaux. Ed. Lansman. Coll. Poche. 2021. 40 pages.
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