"Le corps, ce n’est rien. Ce n’est qu’un moyen de transport."
Philippe Labro
Moyen de transport, mais aussi parfois incarnation de grâce et de
beauté. Une patiente hors d'âge, aujourd'hui décédée, dansa toute
sa vie. Ses premiers pas furent des envolées, ses premières chutes
des pointes trop tôt esquissées. Ses mains et ses pieds s'étaient
emparés de la musique sans aucune réserve, transformant son
passage sur terre en une longue chorégraphie. Lors de mes visites
en fin de vie, ses yeux dansaient encore. Elle avait eu mal au dos
le matin mais imaginait pour s'en soulager les spectateurs qui
jadis l'applaudissaient. Une photo dédicacée de Nijinski
témoignait d'une rencontre éblouissante, dont ses nuits étaient
parfois encore peuplées. Le soleil qui enflammait sa chevelure
avait fait place à une luminosité neigeuse qui ondoyait au rythme
de sa démarche. Quelques notes de musique s'échappaient de la
pièce voisine, fugitif moment de grâce pour une tournée médicale
devenue un instant buissonnière. Le Temps n'efface guère la beauté
.
Philippe Labro. J'irais nager dans plus de rivières. Gallimard, Coll. Blanche. 2020. 304 pages. Extrait p.144
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire