02 janvier 2020

Heureux comme un bourdon


"Si nos sociétés sont chaotiques et désordonnées, c’est parce qu’elles ont oublié deux notions qui organisent la vie des abeilles, et des insectes sociaux en général : la collectivité et l’avenir. »
                            Maurice Maeterlinck


Quand les ruches souffrent et se dépeuplent, relire Maeterlinck est une leçon de philosophie appliquée, restituant les drames, les utopies, les mythes, les destinées individuelles de ces insectes sociaux qui ont tant à nous apprendre. La multiplicité de leurs fonctions individuelles (exploratrices, bergères, pourvoyeuses, jardinières, champignonnistes, moissonneuses, terrassières, maçonnes, menuisières, nourrices, guerrières) se double d'une organisation sociétale qui pourrait nous inspirer: une intelligence collective aux rôles bien répartis sans être figés, toujours adaptables aux circonstances, aux imprévus, aux bouleversements des biotopes. La ruche, société idéale pour l'abeille, mais pour l'homme? Demeure l'insoluble problème: qui est-ce qui règne ici, qui donne des ordres, prévoit l’avenir, trace des plans, équilibre, administre, condamne à mort? Sur quoi se fonde l'autorité, et jusqu'où le bien commun est-il soluble dans l'épanouissement individuel? Le régime politique dans lesquels s’inscrivent les insectes sociaux est-il transposable à l'homme? La forme d’existence stoïquement acceptée chez ces insectes, considérant par exemple comme évidente la mort violente et cruelle des bourdons en surnombre, est-elle compatible avec le respect de l'individu humain le plus faible, le plus inutile ou le plus opposant à la bonne marche de l'ensemble? Autant de questions que de débats, justifiant la dose de chaos socialement acceptée au détriment d'une organisation humaine idéale. 

 
Lu dans:
Pierre Malherbe.Le  Carnet et les Instants. Les insectes sociaux sous la loupe de Maeterlinck. 
Maurice Maeterlinck. La vie des abeilles. Préface de Michel Brix. Bartillat. Coll. Omnia Poche. 2019. 258 p.

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