"Un jour un camarade d'école de mon fils n'est plus revenu en classe et, après quelques semaines d'absence, on a appris que Frédéric était mort. Paul-Emmanuel n'en a parlé qu'à peine pour m'annoncer la nouvelle. Il n'a pas fait de commentaires, n'a posé aucune question. Frédéric était mort, c'était tout. C'est beaucoup plus tard, plusieurs semaines après, qu'il m'a posé la question que je n'attendais pas. «Avant d'être né, est-ce que tu crois qu'on est comme après? » Je n'ai pas compris tout de suite la question, et bêtement j'ai dit: «Après quoi?» Paul-Emmanuel a haussé les épaules, agacé par mon épaisseur d'esprit. «Après, quand on est mort », a-t-il dit. Une fois de plus, je n'ai pas su que répondre. J'ai dit que je ne savais pas. Ce qui est la vérité."
Claude Roy
Avoir six ans, et se poser les mêmes questions sans réponse que
celles qu'on se fera bien vieux, lancés dans une aventure dont le sens
nous échappe. J'ai repensé à cette phrase étonnante de Maurice Roche: «
On devrait mourir d'abord, et vivre ensuite. » Peut-être
comprendrions-nous mieux.
Lu dans :
Claude Roy. La fleur du temps. 1983-1987. NRF. Gallimard. 1988. 356 pages. Extrait p. 332
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