26 septembre 2019

La beauté des retours


"Je n'aimais pas sentir arriver la fin des vacances, mais j'adorais le trajet du retour, vers la France notre pays natal, vers Paris, vers notre appartement et la chambre que je partageais avec mon frère, vers l'année scolaire qui allait commencer. J'aimais avaler les kilomètres, dominer l'autoroute le long de laquelle défilaient les paysages et tous ces possibles : sorties vers d'autres villes, d'autres vies, d'autres enfances. Et c'était encore meilleur la nuit, lorsqu'on avait le droit de veiller avec mon frère et que les feux des voitures autour de nous (points rouges devant le camping-car, phares jaunes arrivant en sens inverse), les lampadaires au-dessus de l'asphalte, les stations-service et les centres commerciaux paraient la nuit industrielle des beautés qu'on lui refuse, traînées opalescentes, diadèmes, escarboucles, lasers entrecroisés, rivières de diamants. J'en étais millionnaire."
                        Ivan Jablonka


La beauté se niche dans le regard, qui peut transformer le quotidien en aventure. Se créer mille existences en devinant les sorties d'autoroute, et une toile impressionniste à la vue des phares de voiture, laissera rêveur les poètes ancrés dans l'humus de nos campagnes, mais pourquoi pas? Il existe une poésie urbaine pour réenchanter le monde.

 
Lu dans: Ivan Jablonka.
En camping-car. Seuil. 2018. 184 pages. Extrait p. 26

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