23 septembre 2019

Ce qui brûle en nous


"Le moine a quatre-vingt-sept ans
ses pieds n’ont plus de graisse pour les protéger des pierres
il a oublié son chapeau         agrandi au fil des ans.
Près d’un ruisseau il voit une femme         rencontrée cinquante étés plus tôt
toujours jeune fille à ses yeux.
Une fois de plus ses mains tremblent         quand elle lui tend une tasse remplie d’eau.".
        Jim Harrison
 
Il était fort âgé, et j'avais pour lui une affection nourrie par les années et sa sagesse. Il consultait rarement, davantage pour des conseils que des médications. Un jour, il partagea qu'une amie de toujours, religieuse comme lui, à l'autre bout du monde, était décédée et qu'il en ressentait une peine immense. Il n'en dit pas plus, tout était compréhensible. L'époque se plaît à à de subtiles distinctions entre les notions d'amour, d'amitié, de complicité affective, entre émoi et passion, tous ces sentiments forts que la durée ou la distance parfois émoussent. Par sa discrétion même, la confidence d'une si longue tendresse partagée me fit relire sous un jour neuf l'allégorie du buisson ardent de l'Exode, ce mûrier sauvage qui brûle sans jamais se consumer.



 
Lu dans:
Jim Harrison. Une heure de jour en moins. Littérature étrangère. Flammarion Poésie. 2012. 224 pages. Édition du Kindle. Extrait p. 77
Exode. Chapitre 3. 

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