"Les pas d'un homme dans la neige
Qu'est-il allé chercher
Reviendra-t-il
par le même chemin."
Abbas Kiarostami
On peine à imaginer qu'il soit parti pour de bon. Ce furent les
meilleurs des voisins, Sabine et Raymond. Ils veillaient sur notre
maison avec sollicitude, gardaient nos clefs, réceptionnaient les colis
postaux, ouvraient la porte aux patients si j'étais retenu par le
trafic. L'apparition de leurs fauteuils à la terrasse annonçait l'été,
le bruit du bouchon la mise à table, le grincement de la porte qu'on
ferme la nuit. Il portait chic une moustache à la Brassens, et la même
bonté dans les yeux. A deux, ils représentaient dans notre imaginaire
"notre quartier" où il faisait bon de revenir après les vacances. Si
c'étaient des plantes, on les aurait baptisé des Simples, comme ces
plantes de monastère qui guérissent les maux les plus divers sans
préparation aucune, poussant au jardin comme un cadeau du ciel. Sabine
se retrouve seule depuis ce matin, et pleure sans fin dans la maison de
repos qui devait abriter leurs dernières années. Les pas de Raymond se
sont perdus dans la neige ce matin, aussitôt recouverts par de nouveaux
flocons. L'appartement est loué, les meubles éparpillés, plus de
fauteuils en terrasse, plus de bouchon. La neige efface tout, sauf le souvenir qu'on garde des gens bons.
Lu dans :
Abbas Kiarostami. Avec le vent. P.O.L Traduit du persan par Nahal Tajadod et Jean-Claude Carrière. 2002. 242 pages. Extrait p.9
Abbas Kiarostami. Avec le vent. P.O.L Traduit du persan par Nahal Tajadod et Jean-Claude Carrière. 2002. 242 pages. Extrait p.9
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire