"Victoire... défaite... ces mots n'ont point de sens. La vie est au-dessous de ces images, et déjà prépare de nouvelles images. (..) En descendant moteur au ralenti sur Sans Julian, Fabien se sentit las. Tout ce qui fait douce la vie des hommes grandissait vers lui : leurs maisons, leurs petits cafés, les arbres de leur promenade."
Antoine de Saint-Exupéry. Vol de nuit.
A quoi rêve le skipper belge Denis Van Weynbergh à quelques jours de
retrouver Les Sables-d'Olonne au terme d'un Vendée Globe éprouvant, ce
tour du monde à la voile en solitaire, sans assistance et sans escale,
qu'il affronte depuis plus de 100 jours. Loin derrière le vainqueur
Charlie Dalin, arrivé depuis plus de 40 jours, et de la jeune Violette
d'Orange, la coqueluche des médias. A moins de se voir déclassé pour
arrivée en-dehors des délais, il sera le premier skipper
noir-jaune-rouge à boucler l’épreuve, à bord de son modeste bateau
"Jojo " en hommage à Jacques Brel. Cent jours de solitude extrême au
terme desquels les mots Victoire et Défaite n'ont plus de
sens, seule demeurant l'aventure humaine pareille à celle de Fabien,
pilote de l'Aéropostale en vol nocturne, immortalisé par Saint-Ex.
Solitude extrême du vol, isolé dans le ciel, solitude pareille du
skipper isolé dans l'océan, tous deux confrontés à la nature implacable,
à la tempête, à la nuit, aux éléments ainsi qu'à leur propre condition
humaine. Solitude accentuée par l’absence de contact direct avec les
autres hommes, réduite aux messages radio sporadiques qui ne suffisent
pas à rompre l’isolement, surtout en cas de pépin. Notre skipper
devine-t-il la proximité que nous ressentons avec lui dans son exploit?
On peut être le dernier d'une épreuve, remportée par des champions
équipés d'un matériel plus performant et d'un tout autre budget, et être
le premier d'une aventure humaine dont nous nous sentons les équipiers.
À travers le ciel nocturne, la tempête et le silence, il nous fait
rêver à un monde où l’homme est certes seul, mais où sa solitude est
aussi le prix du
courage auquel il nous convie. On souhaite à Denis Van Weynbergh de
retrouver maintenant tout ce qui fait douce la vie des hommes, leurs
maisons, leurs petits cafés, leurs proches et les arbres de leur
promenade.
Lu dans:
Antoine de Saint-Exupéry. Vol de nuit. Préface André Gide. Gallimard. 1931. Folio édition. 1972. 192 pages. Extrait p. 19
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