"Ce n'est pas le rire qui est le propre de l'homme, mais la gourmandise."
Brillat-Savarin (1755-1826)
L'aphorisme ne surprend guère sous la plume de Brillat-Savarin, qui
fut à la gastronomie ce que Clausewitz fut à l'art de la guerre.
Longtemps je l'imaginai une vie aux fourneaux, toque en tête, comme les
Troisgros, Bocuse, Ducasse ou autres Robuchon. Pas du tout, il était
juriste, écrivain et gourmand, auteur de la célèbre "Physiologie du
goût" qui convertit la France aux plaisirs de la gastronomie avec
humour, tempéré parfois par quelques libertés avec l'art culinaire
strict, que tous lui pardonnaient. Car comment résister au maître de
cérémonie quand il énonce doctement en début de repas que "le Créateur,
en obligeant l'homme à manger pour vivre, l'y invite par l'appétit, et
l'en récompense par le plaisir (Aphorisme V); ou mieux encore que le
"plaisir de la table est de tous les âges, de toutes les conditions, de
tous les pays et de tous les jours ; il peut s'associer à tous les
autres plaisirs, et reste le dernier pour nous consoler de leur perte."
(Aphorisme VII). On évoquait hier à table ce vieux petit couple de
patients qui toute leur vie soignèrent leur repas du soir, les tâches
professionnelles de la journée terminées, par un dîner aux chandelles,
beau service, vin choisi et petit café-filtre, robe élégante et
costume-cravate rien que pour le plaisir de se gâter. Cela dura une vie
entière, et ils n'habitaient pas un château. Saturés d'années, ils
moururent de vieillesse.
Lu dans:
Brillat-Savarin. Physiologie du goût. Champs classiques. Flammarion 1982.400 pages. Extrait pp 4, 19-20
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