"Tout récit comporte trois éléments — le lieu, le temps et les personnages —, et une question qui les relie entre eux. Sauf celui du camp, où il n'y a ni lieu ni temps. Des décennies d'occupation ont dissocié le temps du lieu; chacun s'en est allé errer dans son propre espace. Pour ceux qui ont dû fuir en 1948 ou en 1967, les aiguilles du temps se sont arrêtées. (..) Le récit du camp est un texte hors du temps et du lieu, qui écrit sa propre histoire, en espérant que, tôt ou tard, quelque chose surgira."
Nasser Abu Srour
Comment décrire la Révolution française sans y intégrer un lieu (La
Bastille), une époque (1789) et des personnes (Louis XVI,
Marie-Antoinette, Danton, Robespierre). Comment décrire les camps, cette
histoire sans lieu, sans dates, peuplés d'invisibles? L'écrivain
palestinien Nasser Abu Srour le tente en espérant "que tôt ou tard quelque chose en surgira".
Incarcéré à perpétuité dans les geôles israéliennes, Nasser a dit adieu
au monde, sans autre interlocuteur que le mur qui lui fait face, sur
lequel il consigne par bribes son histoire dont il a fait ce récit.
Celui-ci s'anime, répond et change d'apparence selon que l'espoir ou le
renoncement domine. C'est son histoire et celle de son peuple, un monde
qu'il a quitté. Quand l'actualité brûlante rejoint ce récit, où trouver
les mots qui protègent du désespoir?
Lu dans:
Nasser Abu Srour. Je suis ma liberté. Gallimard. NRF. Du Monde Entier. 2022. 300 pages. Extrait pp.30-31
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