"Fenêtre,
toi qui sépares et qui attires,
changeante comme la mer,
glace, soudain, où notre figure se mire
mêlée à ce qu’on voit à travers. "
Rainer Maria Rilke
Le coronavirus a orné mon bureau d'un vaste écran en plexiglass, qui
nous protège les uns des autres et modifie ma perception. Le reflet de
la lumière du jour dans mon dos projette mon propre visage en
surimpression de celui des patients qui me font face. Au début, je
tentai en vain de supprimer ce qui m'apparaissait comme une altération
de la réalité. Jusqu'à je m'aperçoive que ce reflet dans le miroir
correspondait exactement à ce que les patients pouvaient observer de
moi, un regard attentif ou distrait, pianotant le clavier de
l'ordinateur ou scrutant leur souffrance, visage souriant ou inquiet
selon mon état de fatigue, l'avancement de la consultation ou la simple
sympathie éprouvée différemment pour l'un ou l'autre. L'écran qui sépare
peut ainsi paradoxalement se révéler un outil de réalité augmentée,
stimulant mon attention plutôt que de la laisser gambader en toute
fantaisie.
Lu dans:
J.-B. Pontalis. Fenêtres. Gallimard. 2000. Folio. 3642. 174 pages. Extrait: Exergue p.11
J.-B. Pontalis. Fenêtres. Gallimard. 2000. Folio. 3642. 174 pages. Extrait: Exergue p.11
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