"La cuisine japonaise n'est pas chose qui se mange, mais chose qui se regarde, mieux encore, qui se médite."
Tanizaki Junichiro
La cuisine, une philosophie? A coup sûr un endroit où toutes les
temporalités coexistent, s'invitant ensemble à notre table. Comme
l'écrit Sekiguchi "aujourd'hui, il n'est pas rare de trouver dans une
même assiette des tomates qui viennent d'être cueillies, un condiment
préparé il y a deux ans, des anchois mis sous le sel il y a six mois et
une boîte de maïs dont on ignore la date de fabrication." Et si nos
vies ressemblaient à ces plats amoureusement assemblés, fusion d'époques
et de saveurs minutieusement assemblées? Qui sommes-nous en définitive
au terme de notre expérience sur terre? Pour reprendre les mots de Walt Whitman : "Je contiens des multitudes." L'inusable stéthoscope Littmann côtoie le
saturomètre acquis en début de pandémie, les extraits de valériane se
prescrivent simultanément aux anticorps monoclonaux, et les mains qui
scrutent les maux de ventre possèdent la mémoire de centaines de ventres
précédents. Suis-je vraiment le même médecin qui entend un père inquiet
de l'avenir de son fils en échec, d'une fille trop tôt émancipée, d'une
épouse mélancolique que celui de naguère? Comment n'être que ce plat où
les temporalités coexistent sans se détruire mais en s'exaltant l'une
l'autre?
Lu dans:
Tanizaki Junichiro. Éloge de l'ombre. Paris. Publications orientalistes de France. 1993.
Tanizaki Junichiro. Éloge de l'ombre. Paris. Publications orientalistes de France. 1993.
Ryoko Sekiguchi. Nagori. La nostalgie de la saison qui vient de
nous quitter. P.O.L. 2018. Folio 6776. 142 pages. Extrait pp 59-60
Citant Walt Whitman: Anatxu Zabalbeascoa. Patti Smith: On peut
difficilement montrer son amour sans montrer sa colère. Le Soir. Lena
12 décembre 2020
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