"Lundi matin. Une cloche aigrelette sonnant l’heure dans un lointain encore indéfinissable, les trois sifflements d’une tourterelle posée sur un balcon voisin (une brève, une longue, une brève, ce qui dans l’alphabet morse correspond à la lettre r comme dans roucoulement), quelques aboiements épars et les motocyclettes pétaradant en contrebas participent tous, à des degrés divers, de la rumeur qui s’élève depuis le port à la façon d’une carte d’identité sonore."
Gilles Ortlieb
Tendez l'oreille: quelque chose a changé en peu de jours. Depuis des
mois nous nous étions habitués à une sorte de paresse des sons, quelque
chose comme de la ouate entre les bruits, une sonorité ralentie et plus
douce. Ce matin le paysage sonore de mon quartier s'est réveillé, rien
de bien désagréable d'ailleurs mais déployant une richesse de tonalités
qui se répondent comme la vie qui reprend. La couleur de l'air a changé,
le fond pique un peu, le jour met quelque temps à se lever, dans
l'arbre devant la maison un peu de roux. Les fenêtres fermées filtrent à
nouveau les conversations et leur redonnent une intimité qu'elles
avaient perdues. Il reste une douceur dans l'air, mais moins affirmée.
Deux gosses progressent à cloche-pied vers l'école. Septembre est là.
Lu dans:
Gilles Ortlieb. Antigone à vendre. Le Chemin. Gallimard. N°19. 7 mai 2020.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire