"La gravité d'une question se mesure à la façon dont elle affecte la jeunesse"
Pierre Mendès France.
Et soudain, à les voir s'enlacer sur les terrasses, assis sur les
genoux, sur les tables, dans des rave-parties adroitement
improvisées, danser toute une nuit, puis encore une autre et
encore un matin, refaire le monde à Flagey, réenchanter les soirs
d'été et se réinventer un avenir, on s'aperçoit que le train est
passé en ce qui nous concerne, les baby-boomers. Le regard apeuré
que nous leur jetons, critique, amer,
craintif pour notre propre survie, est l'éclairage que les vieux
marins jettent sur les moussaillons affrontant la tempête. Ils
étaient sympas pourtant pendant le confinement, attentifs à ne pas
contaminer papy et mamie, respectueux des règles, et soudain on découvre
des sauvageons pleins de sève et d'insouciance. Ce soir un doute
m'envahit: oserais-je affirmer qu'il y a 50 ans,
en pareilles circonstances, je n'aurais pas été des leurs à Nice
menant la chenille et chantant à tue-tête la rengaine adaptée de
la Bande à Basile "Pose les deux pieds en canard / C'est la Covid
qui redémarre / En voiture les voyageurs / La Covid part toujours
à l'heure." Comme l'écrivait Christine Taubira au lendemain des
attentats de Paris "et puisque la jeunesse était visée, des jeunes
sont revenus, en couple, en bande, en essaim sur les terrasses des
cafés, prêts à faire retentir leurs rires même stridents
d'angoisse, même mêlés de larmes, plaisantant sur les choses les
plus sérieuses de la vie, comme faire l'amour." Au fond de moi,
malgré toutes nos craintes de voir réapparaître le virus en raison
de pareils comportements à risque, la part de folie que secrètent
encore nos jeunes me rassure: le confinement ne les a pas rangés
plus qu'il ne faut et, quand il faudra redémarrer, ils auront
l'énergie que nous n'avons plus.
Lu dans:
Pierre Mendès France. Œuvres complètes, tome 4, 1955-62. Pour une
République moderne. Message à la jeunesse. Gallimard. 1987. 976
pages. Extrait page 148.
Christiane Taubira. Murmures à la jeunesse. Philippe Rey éd. 2016.
94 pages. Extrait pp.68-69
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire