24 septembre 2020

Si tu t'imagines

 

"Si tu t'imagines     si tu t'imagines     fillette fillette
si tu t'imagines que ça va durer toujours
la saison des amours
ce que tu te goures

Si tu crois petite     que ton teint de rose
ta taille de guêpe     tes mignons biceps     tes ongles d'émail
ta cuisse de nymphe     et ton pied léger
si tu crois petite         que ça va durer toujours
ce que tu te goures

Les beaux jours s'en vont     les beaux jours de fête
soleils et planètes tournent tous en rond
mais toi ma petite tu marches tout droit
vers  ce que tu ne vois pas

Très sournois s'approchent
la ride véloce     la pesante graisse     le menton triplé
le muscle avachi     allons cueille cueille    
les roses de la vie     et que leurs pétales soient la mer étale
de tous les bonheurs         allons cueille cueille
si tu le fais pas    ce que tu te goures fillette fillette
ce que tu te goures."
                Juliette Gréco


 
Gréco n'est plus. Nous revient à la mémoire une mélodie répétitive, et ces cinq mots "si tu t'imagines, fillette fillette", portés par une voix unique qui nous envoutait. Les paroles racontent une histoire éternelle, portée par les poètes depuis la plus haute Antiquité, l’intensité lumineuse des amours débutantes. Comme le décrivait superbement le regretté Jacques De Decker "Comme je voudrais, Astrid, retrouver cet élan avec lequel je t’écrivais, tu te souviens, tous les jours, plusieurs fois par jour. (…) Comme je voudrais que cet entretien infini reprenne son cours, cette confidence ininterrompue qui charriait ce qui nous arrivait dans la journée et dont chacun de nous portait témoignage à l’autre. (…) Il fait nuit et je te parle (…) C’est en plein soleil que je nous revois, courant l’un vers l’autre dans cette allée du Parc du Cinquantenaire ; elle est belle, la course des adolescents, cette vie qui les propulse dans les bras l’un de l’autre. (…) Te souviens-tu de ces conflagrations, quand nous nous précipitions vers l’autre, au risque de tomber? "   


Lu dans:
Jacques De Decker. Parades amoureuses. Grasset. 1990. 192 pages Extrait p.53

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