"Ce matin, une heure de jardinage léger : ramassage et tri des pommes, des coings, des poires tombés dans l'herbe. Il fait toujours très beau, mais les nuits sont plus fraîches, l'herbe mouillée redevient verte. Avec les pommes, les poires, les coings, Martine fait une délicieuse compote aux trois fruits d'automne dont la couleur ambrée, légèrement translucide, la texture douce et charnue s'accommodent très bien de la légère amertume du fromage blanc moulé à la louche. Assis dans la cuisine, près de la petite fenêtre qui donne sur le cognassier, on mange ainsi de l'extrait de jardin, du concentré d'automne, une fraîcheur trempée mêlée de chaleur opulente, de l'or presque liquide et quand même un peu âpre."
Philippe Delerm
Philippe Delerm n'a tenu son journal qu'une seule année de sa vie. Il a
37 ans et se sait riche de ce qui manque à presque tout le monde : le
temps long, la saveur de l'extrait de jardin, du concentré d'automne, de
l'or presque liquide. Bien longtemps avant l'ouragan du succès de La
Première gorgée de bière, il écrit en pensant qu'il sera, un jour
peut-être, reconnu. Trente ans plus tard, il annote en post-scriptum la
dernière page de son journal "Je n'ai sans doute jamais été plus
heureux que cette année-là."
Lu dans:
Philippe Delerm. Journal d'un homme heureux. Seuil. 2016. 262 pages. Extrait p.215
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