"Les maîtres romains exposaient un fouet dans le vestibule à la vue des esclaves, sachant que ce spectacle mettait les âmes dans l’état de demi-mort indispensable à l’esclavage.
D’un autre côté, d’après les Égyptiens, le juste doit pouvoir dire après la mort : Je n’ai causé de peur à personne. »
Simone Weil
Un jour, je découvris ce qui me différenciait d'un pompier: la capacité
d'affronter le risque grâce à la connaissance du danger et la confiance
en des moyens techniques appropriés. L'observer pénétrer seul dans une
maison voisine ravagée par le feu et le risque d'explosion, l'imaginer
progresser dans une fumée opaque, descendre à la cave fermer l'arrivée
de gaz et partir aux étages à la recherche de victimes inconscientes
m'apprirent plus sur mes peurs que tous les cours de médecine. Peur et
risque: l'une nous bloque, l'autre nous fait progresser. A chacun ses
spécificités, mais dans l'épidémie actuelle qui tétanise la planète
n'être que ce pompier qui rassure et relativise les risques auprès d'une
population tétanisée par un virus invisible constitue un beau défi.
A-t-on peur soi-même? Bien sûr, et cette peur rassure ceux à qui on
vient en aide: avoir en face de soi une personne qui vous est en tout
semblable, habitée par les mêmes angoisses, entourée par les mêmes
flammes, frôlant la même mort, et qui vous tend la main assurant "qu'on
va y arriver" constitue l'essence même du courage.
Lu dans:
Simone Weil. La sécurité, le risque. L’enracinement. 1949. Gallimard. Tracts de crise N°69. 11 mai 2020.
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