"Louis s’est alité pour de bon, le souffle rauque et transpirant à grosses gouttes. Rassasié de vie, il ne craint qu’une chose: devoir quitter la fenêtre par laquelle il a vue sur son jardin et le potager qui le borde. Tant d’années consacrées à semer, repiquer, arroser, tailler ne peuvent s’évaporer sur un brancard d’ambulance appelée dans l’urgence. Louis fut ainsi mon premier patient, quatre jours avant que ne s’ouvre mon cabinet, sentant bon la peinture fraîche et la science récemment acquise. Je le vis à son domicile en jeans et chemise tachés par le plâtre. Il voulait rester chez lui, ce qui bouleversait tout mes projets thérapeutiques acquis en faculté, mais c’est ainsi que le métier entre: je le laissai contempler son jardin. Il nous quitta le lendemain, doucement. J’ouvris ma pratique à la date prévue. Avant d’avoir guéri un seul patient, j’avais déjà un mort, ce qui m’enseigna l’humilité. "
CV
Le premier jour de septembre reste un moment charnière dans l'année,
quel que
soit notre âge. Retrouvant incidemment ce billet dont je ne renie
rien, et dans lequel beaucoup de mes collègues se retrouveront
sans aucun doute, il me revient qu’aujourd’hui 1er septembre 50
années se sont
déroulées depuis la mort de Louis et le début d'une pratique
gratifiante. Réussites, échecs, mais surtout
confrontation à des récits de vie qui m'apprirent la diversité et
la richesse de l'être humain. Que souhaiter de mieux à tous nos
jeunes qui retrouvent ce jour les bancs de l'école? Le cadet de
nos petits-enfants entame sa première primaire aujourd'hui, exprimant
son impatience à "travailler". Il nous rassure: l'incertitude
actuelle ne durera pas et ils ont entre leurs mains un infini
possible.
Lu dans:
Carl Vanwelde. Carnets buissonniers. Ed Weyrich. 2021. 506 pages.
Extrait p.13
1 commentaire:
Heureuse de votre retour . Merci.
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