"Les chênes de 1910 avaient alors dix ans et étaient plus hauts que moi et que lui. Le spectacle était impressionnant. J'étais littéralement privé de paroles et, comme lui ne parlait pas, nous passâmes tout le jour en silence à nous promener dans sa forêt. Elle avait, en trois tronçons, onze kilomètres dans sa plus grande largeur. Quand on se souvenait que tout était sorti des mains et de l'âme de cet homme, sans moyens techniques, on comprenait que les hommes pourraient être aussi efficaces que Dieu dans d'autres domaines que la destruction." Jean Giono
Le texte le plus court de Jean Giono n'est pas le moins dense. Un berger solitaire ramasse dans la journée des glands qu'il replante le soir sur une colline... L'histoire est belle, celle d'un homme qui croit en son action quotidienne construit l'avenir. Une forêt couvrira plus tard sa colline, et ses enfants s'y promèneront. En 1953, le magazine américain The Reader's Digest demanda à Giono d'écrire quelques pages pour la rubrique bien connue "Le personnage le plus extraordinaire que j'aie jamais rencontré ". Quelques jours plus tard, le texte tapé à la machine, était expédié, et la réponse ne se faisait pas attendre : réponse satisfaite et chaleureuse, c'était tout à fait ce qui convenait. Quelques semaines passèrent, et un beau jour Giono descendit de son bureau. Son visage reflétait la stupéfaction. Il venait de recevoir une deuxième lettre du Reader's Digest, d'un ton bien différent de la première : on l'y traitait d'imposteur... Giono trouvait la situation cocasse, mais ce qui prédominait en lui à l'époque, c'est la surprise qu'il puisse exister des gens assez sots pour demander à un écrivain, donc inventeur professionnel, quel était le personnage le plus extraordinaire qu'il ait rencontré, et pour ne pas comprendre que ce personnage était forcément sorti de son imagination.
Lu dans:
Jean Giono. L'homme qui plantait des arbres.Jean Giono. Gallimard. NRF Collection blanche. 1996. 33 pages
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire