"Alors le thé a refroidi.
Elle attendait à sa fenêtre.
Viendra-t-il encore aujourd’hui ?
La chambre de vide s’est remplie. "
Esther Granek
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Esther Granek. Je cours après mon ombre. 1981.
"Alors le thé a refroidi.
Elle attendait à sa fenêtre.
Viendra-t-il encore aujourd’hui ?
La chambre de vide s’est remplie. "
Esther Granek
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Esther Granek. Je cours après mon ombre. 1981.
"Comment se réjouir de la victoire sur un ennemi hideux si pour le vaincre il a fallu devenir comme lui?"
Tzvetan Todorov
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Tzvetan Todorov. La Peur des barbares : Au-delà du choc des civilisations. Robert Laffont. 2008. 320 pages. Extrait p.20
" La beauté de l’automne est un poème écrit par la nature. »
Charles Baudelaire
Soudain, c'est l'automne. La lumière se fait miel, ou or et
cuivre c'est selon. Les premières feuilles tourbillonnent comme
des pensées légères, prêtes à s’effacer. Il faudra penser à ranger
la table des repas au jardin, et une légère brume ce matin semble
inviter au recueillement. Le premier feu de prépare à crépiter,
les sentiers s'assoupissent dans le silence complice des jours qui
raccourcissent. L’automne n’est pas seulement un passage, il est
une douce mémoire du temps, un rappel que la beauté réside aussi
dans l’éphémère.
"Les chênes de 1910 avaient alors dix ans et étaient plus hauts que moi et que lui. Le spectacle était impressionnant. J'étais littéralement privé de paroles et, comme lui ne parlait pas, nous passâmes tout le jour en silence à nous promener dans sa forêt. Elle avait, en trois tronçons, onze kilomètres dans sa plus grande largeur. Quand on se souvenait que tout était sorti des mains et de l'âme de cet homme, sans moyens techniques, on comprenait que les hommes pourraient être aussi efficaces que Dieu dans d'autres domaines que la destruction." Jean Giono
Le texte le plus court de Jean Giono n'est pas le moins dense. Un berger solitaire ramasse dans la journée des glands qu'il replante le soir sur une colline... L'histoire est belle, celle d'un homme qui croit en son action quotidienne construit l'avenir. Une forêt couvrira plus tard sa colline, et ses enfants s'y promèneront. En 1953, le magazine américain The Reader's Digest demanda à Giono d'écrire quelques pages pour la rubrique bien connue "Le personnage le plus extraordinaire que j'aie jamais rencontré ". Quelques jours plus tard, le texte tapé à la machine, était expédié, et la réponse ne se faisait pas attendre : réponse satisfaite et chaleureuse, c'était tout à fait ce qui convenait. Quelques semaines passèrent, et un beau jour Giono descendit de son bureau. Son visage reflétait la stupéfaction. Il venait de recevoir une deuxième lettre du Reader's Digest, d'un ton bien différent de la première : on l'y traitait d'imposteur... Giono trouvait la situation cocasse, mais ce qui prédominait en lui à l'époque, c'est la surprise qu'il puisse exister des gens assez sots pour demander à un écrivain, donc inventeur professionnel, quel était le personnage le plus extraordinaire qu'il ait rencontré, et pour ne pas comprendre que ce personnage était forcément sorti de son imagination.
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Jean Giono. L'homme qui plantait des arbres.Jean Giono. Gallimard. NRF Collection blanche. 1996. 33 pages
"Soixante-six ans que nous vivons cette lutte. On n'a connu que ça, en fait, on est toujours là. Des fantômes, chaque jour un peu plus invisibles aux autres et à nous-mêmes. Comme nous le sommes aux yeux du monde depuis toujours.'
Rachid Benzine
Qu'écrire encore après ce déferlement continu d'images, de destructions, d'exodes et de morts? Le partage soir après soir d'une pensée positive sur la journée écoulée me devient difficile. Cinquante ans se sont passés depuis que Thomas Merton partageait ses "Réflexions d'un spectateur coupable", oscillant entre le retrait du monde pour se garder une existence intérieure propre et le souci de s'engager dans un activisme désespéré car impuissant. Que n'a-t-on reproché lors de la Shoah l'inaction des dirigeants de l'époque, du moins ceux qui en étaient informés? Aujourd'hui, nous sommes tous informés, culpabilisés de ne pouvoir rien faire devant le drame de Gaza et ses survivants fuyant en une interminable cohorte longeant la mer, tandis que d'autres trop pauvres pour fuir organisent une survie dans les gravats ou enterrent leurs morts. Images nsoutenables, impossibles à évacuer de nos mémoires, et qui parviennent à nous rendre notre propre bonheur insupportable.
Lu dans:
Rachid Benzine. L'Homme qui lisait des livres. Julliard. 2025. 126 pages. Extrait p. 62
Thomas Merton. Réflexions d'un spectateur coupable (Conjectures of a Guilty Bystander), Albin Michel, Paris, 1970.
"Aujourd’hui en France, le temps de travail représente 11% du temps éveillé sur toute une vie alors qu’il représentait 48% de ce temps en 1800."
Gérald Bronner.
Jamais dans l'histoire de l'humanité, nous n'aurions disposé - si
on en croit le sociologue Gérald Bronner - d'autant de temps libre
pour nous instruire, nous distraire ou simplement réfléchir. Ce
trésor inestimable, qu’en faisons-nous, s'interroge-t-il sur un
mode plutôt pessimiste? Le laisser piller, souvent sans nous
en rendre compte, par des routines addictives ayant le visage de
la distraction mais plongeant notre cerveau disponible dans une
semi-somnolence? Peut-être, et il peut être utile que des voix
extérieures dans ce cas nous réveillent, sans tomber dans le jugement.
Chacun gère son temps avec les
outils qu'il a reçus et il est présomptueux de hiérarchiser ce qui
est instructif et ce qui est vain. Pour certains de mes patients
modestes, lire attentivement la rubrique médicale de Flair constitue
déjà un apprentissage. Par ailleurs qu'est-ce que le temps libre? A
relire Virgile
(1er siècle avant JC) et son inoubliable « Tityre, toi qui es
mollement étendu sous
l'ombre d'un hêtre aux larges branches, te reposant en jouant sur
ton
pipeau un air champêtre qu'accompagne à son tour le
murmure de l'eau" il est permis de mettre en doute l'affirmation
que l'humble berger des Bucoliques disposait de moins de temps
libre que nous, même si son temps de travail journalier, étalé sur
toute une vie jusqu'à sa mort, paraît interminable selon nos
critères.
Lu dans:
Gérald Bronner. Apocalypse cognitive. PUF. 2021. 396 pages
Virgile. Les Bucoliques. Eglogue
"Cette pression permanente mise sur les employés, Michael O'Leary, le patron de Ryanair depuis plus de trente ans, en a fait son mantra. Le management par la terreur est assumé chez Ryanair. "La meilleure manière de motiver des employés, c'est de les terroriser", avait expliqué M. O'Leary en 2015."
La compagnie irlandaise a développé toute une stratégie pour
multiplier les gains, à côté de la vente de billets d'avion. Elle met
une énorme pression sur ses employés pour qu'ils rapportent un maximum d'argent. Michael O'Leary se serait-il inspiré de Machiaval (Le Prince 1513), qui , il est vrai, a fait des émules ces derniers temps.
Lu dans:
Raphaël Meulders. Comment Ryanair a transformé ses avions en machines à
sous : "Si on n'atteint pas les objectifs de vente, on risque d'être
viré pour faute grave" Le dossier de La Libre Eco. 13 septembre 2025
"Mon immeuble est sens dessus dessous. Tous les locataires du dessous voudraient habiter au-dessus parce qu'un locataire est allé raconter que l'air que l'on respirait au-dessus était meilleur que celui que l'on respirait en dessous. (..) Moi, je suis au-dessus de ça. Je céderais bien mon appartement à condition d'obtenir celui du dessus. Mais je ne compte pas trop dessus parce que je n'ai pas de sous, et qu'au-dessus de celui qui est au-dessus, il n'y a plus d'appartement. ."
Raymond Devos
Un humour décalé, d'une autre époque, jouant sur les mots sans
cruauté. Où on ne peut accéder au-dessus parce qu'on n'a pas de sous, où
la locataire du dessus a de beau dessous, où son mari jaloux en guerre
avec son amant a souvent le dessous... Toutes les embrouilles du monde
mixées sens dessus dessous. En 5 minutes, le regretté Raymond Devos sur
https://www.youtube.com/watch?v=MIUxK-0H7go
Lu dans:
Raymond Devos. Sens dessus dessous . Live officiel au théâtre Antoine 1978. https://www.youtube.com/watch?v=MIUxK-0H7go
"C'est à cette époque que j'ai ouvert la librairie. Je voulais m'abstraire du monde, mais sans le quitter tout à fait. Être au seuil de la réalité. Là, devant ma librairie, à lire et relire les romans de ma vie. Vous comprenez ? J'ai décidé de ne pas ajouter de la laideur, de ne pas abîmer, d'être présent dans le silence de la lecture, d'apporter ma pierre avec mes livres. J'ai été inquiété souvent, les intégristes ne comprenaient pas pourquoi je ne faisais pas uniquement commerce de textes religieux. Et puis ils ont compris que j'étais un vieil homme un peu fou qu'il fallait laisser tranquille."
Rachid Benzine
Jour anniversaire de l’effondrement des Twin Towers à New York, et de son cortège de chaos. On mesure ce que "décider de ne pas ajouter de la laideur, de ne pas abîmer" signifie à l'échelon individuel quand notre impuissance à freiner la folie ambiante nous désespère. C'est peu, mais peu c'est déjà quelque chose.
Lu dans:
Rachid Benzine. L'homme qui lisait des livres. Julliard. 2025. 126 pages. Extrait p. 117
"La noblesse prêtée à l’aigle: les hommes croient discerner dans son anatomie, ses sourcils froncés, son œil perçant, sa bouche close avec fermeté, le tempérament déterminé que l’on prête aux héros. Ils en ont donc fait un emblème, que l’on retrouve brandi sur les étendards des légions de César et du Reich allemand. L’auraient-ils fait s’ils avaient considéré combien l’intelligence de ces oiseaux est limitée ? Si on peut dresser les aigles pour la chasse, c’est qu’ils ne comprennent pas qu’à leur retour sur le poing du dresseur, ils seront de nouveau attachés. Jamais un corbeau ne commettrait une erreur si stupide !"
Jean-Pierre Elkabbach
Pièges de l’anthropomorphisme. Supplanter l'aigle par un noir corbeau
fait sourire. Imagine-t-on la Une des quotidiens célébrant en 1815 «
le retour de l'Aigle », exilé sur l'île d'Elbe et débarquant à
Golfe-Juan pour remonter la France jusque Paris, titrer "le retour du
Corbeau"? Le mythe aurait manifestement pris une densité différente.
Lu dans:
Jean-Pierre Elkabbach. Les rives de la mémoire. Bouquins. 2022. 440 pages
« Sois fidèle à toi-même,
Et il s'ensuivra, comme la nuit le jour,
Que tu ne seras faux envers personne.»
William Shakespeare. Hamlet
Lu dans:
Rachid Benzine. L'homme qui lisait des livres. Julliard. 2025. 126
pages. Extrait p. 62
Rodrigue Maghams. Al Arabiya. 2009.
'Quand le monde nous paraît incertain, on se replie sur nous-mêmes et on n’écoute plus que les gens qui pensent comme nous."
Ralph Vendôme
On subodore une allusion à des groupuscules de complotistes ou aux
pires dérives des réseaux sociaux. Pas sûr: qui de nous y échappe?
Dis-moi quel est ton journal, les derniers amis avec lesquels tu
partageas un repas, ta chaîne télévisée favorite, ton moyen de
locomotion et on découvrira en filigrane l'orientation de ton vote, ce
que tu penses du droit au chômage ou de Greta Thunberg. Se retrouver
entre "copains d'abord" rassure.
Lu dans:
Ralph Vendôme. Dans la tête d’Elton Munk. M.E.O. 2025. 194 pages
"Il y a une voix qui n’utilise pas les mots.
Écoute.. "
Djâlal-od-Dîn Rûmî
C'est parfois quand tout va bien qu'on mesure que rien ne va mieux.
Bambin atteint d'une infirmité motrice sévère, il attendrissait
l'entourage. Enfant, devenu autonome dans sa voiturette, ne s'exprimant
guère que par des cris et des grognements, il agace. Sa maman, veuve
depuis deux ans, porte à bout de bras cet enfant qui lui échappe ainsi
que sa fratrie. Elle tente maladroitement d'exprimer son désarroi, plus
occupée à immobiliser l'enfant-loup qui transforme le cabinet en
parcours d'obstacles et à le calmer qu'à me parler. Dans le métro, en
rue, dans leur appartement elle subit le regard des voisins qui la
soupçonnent de maltraitance en raison de ces cris permanents. Elle a
inscrit ses deux grands à un cours de natation, et a dû y renoncer sous
la pression des autres nageurs ne supportant guère le vacarme issu des
tribunes. Cet après-midi elle consulte pour elle, mais ne dit rien, tout
est compris mieux que par aucune parole. L'appel de Rûmî à une écoute
active du silence est d'une
pertinence frappante dans cette consultation inhabituelle, qui ne
débouchera sur aucune formule miracle, si ce n'est que communiquer et se
sentir écouter c'est déjà du soin.
Lu dans :
Djalāl od-Dīn, dit Rûmî, poète, théologien et mystique persan
(1207-1273), dont l'œuvre principale est le Masnavi, commentaire du Coran
dans lequel il reprend certaines fables d'Ésope et ses propres
compositions poétiques.
Un point bleu pâle ( Pale Blue Dot) est une photographie de la planète Terre, prise le 14 février 1990 par la sonde Voyager 1 à une distance de plus de six milliards de kilomètres. Le minuscule point est presque perdu dans la lueur du Soleil, la photo n'a aucun intérêt scientifique. Mais pour nous humains, c'est différent. Regardez encore ce point. C'est ici. C'est notre foyer. C'est nous. Sur lui tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez entendu parler, tous les êtres humains qui aient jamais vécu, ont vécu leur vie. Toute la somme de nos joies et de nos souffrances, des milliers de religions aux convictions assurées, d'idéologies et de doctrines économiques, tous les chasseurs et cueilleurs, tous les héros et tous les lâches, tous les créateurs et destructeurs de civilisations, tous les rois et tous les paysans, tous les jeunes couples d'amoureux, tous les pères et mères, tous les enfants pleins d'espoir, les inventeurs et les explorateurs, tous les professeurs de morale, toutes les superstars, tous les guides suprêmes, tous les saints et pécheurs de l'histoire de notre espèce ont vécu ici — sur un grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil. (..) Nos postures, l'importance que nous nous imaginons avoir, l'illusion que nous avons quelque position privilégiée dans l'univers, sont mises en question par ce point de lumière pâle. Notre planète est une infime tache solitaire enveloppée par la grande nuit cosmique. Dans notre obscurité, dans toute cette immensité, il n'y a aucun signe qu'une aide viendra d'ailleurs nous sauver de nous-mêmes. On a dit que l'astronomie incite à l'humilité. Pour moi, cela souligne notre responsabilité de cohabiter plus fraternellement les uns avec les autres, et de préserver et chérir le point bleu pâle, la seule maison que nous ayons jamais connue. »
Carl Sagan
J'ai cinq ans, observant les étoiles de mon lit par la fenêtre de ma
chambre d'enfant. La question de ma place dans l'Univers me tourmente
dans les mêmes termes que ceux que se pose Carl Sagan. Des décennies
ont passé, sans aucune réponse mais encore davantage de questions. Et on
se dit que l'âge, l'expérience, l'école, les lectures n'apportent de
solutions qu'aux interrogations insignifiantes d'une existence.
Lu dans:
Pale Blue Dot: A Vision of the Human Future in Space. Carl Sagan (1934-1996, astronome).
1994
cité dans: Quel présent vivons-nous ? Une sémantique du présent.
Stefan Hertmans (Auteur), Olivier Vanwersch-Cot (Traduction) .
Actes Sud. 2025. 176 pages
"Les cobras, dont chacun connaît la dangerosité, proliféraient dans la ville de Delhi et le gouvernement proposa une prime pour chaque dépouille d’un reptile éliminé. (..) On tua un grand nombre de cobras dans la ville de Delhi. Les conséquences secondaires furent inattendues, un certain nombre d’habitants se mettant à élever des cobras pour pouvoir toucher régulièrement la prime. Le pouvoir politique annula donc la prime. Tous ceux qui avaient élevé ces serpents les relâchèrent dans la nature puisqu’ils avaient perdu leur valeur et la population de cobras dans la ville de Delhi fut plus importante que jamais."
Gérald Bronner
L'effet Cobra n'est pas une spécificité indienne. La créativité de l'être humain pour détourner une incitation financière ou symbolique est universelle. Les bonnes intentions politiques ou sociales peuvent avoir des effets pervers si l’on ne prend pas en compte la logique des acteurs auxquels elles s'adressent.
Lu dans:
Gérald Bronner. Apocalypse cognitive. PUF. 2021. 396 pages
"Le risque que fait courir un recours généralisé à l'IA [ l’intelligence artificielle ] pour générer des contenus à prétention artistique est de figer la culture humaine. (..) De fait, l'IA est actuellement nourrie d'une sélection numérisée d’œuvres, images, musiques et textes du patrimoine existant. Si, à partir de maintenant, on lui confie la production majoritaire de contenus, la créativité ne consistera qu'en une recomposition, imitation voire standardisation de ce que l'humanité a déjà produit, valorisé et numérisé. Les stéréotypes vont s'ossifier." Camille Dejardin
A quoi bon encore apprendre à l'heure où l'intelligence artificielle peut nous restituer instantanément une réponse factuelle, une recomposition de textes, de musiques, d'images meilleures que ce que nous pourrions créer nous-mêmes? La question est d'importance au moment où tant d'élèves et d'enseignants s'attellent pour une année à la transmission de savoirs multiples. A quoi bon? Si ce n'est qu'apprendre c'est se former à créer par soi-même de l'inattendu, quelque chose qui n'a pas déjà été dit mille fois, à communiquer à d'autres ce qu'on est, à se dévoiler à-travers une œuvre de création. Apprendre n'est pas restituer, mais développer les capacités dormantes au fond de chacun de nous. Rentrée scolaire oblige, une enseignante enthousiaste avait proposé la semaine passée à ses étudiant(e)s de "créer" une œuvre musicale pour les interruptions d'horaire en faisant appel à un logiciel d'IA. Le résultat en fut bluffant et réalisé en quelques minutes sans connaissance aucune du solfège ni de la composition musicale. Quelques récréations et discussions passionnées plus tard, une question aussi innocente que pertinente en fit interrompre la diffusion: que deviennent les artistes dans tout cela? L'apprentissage patient de la création d'une mélodie, de paroles significatives, des messages partagés et de la nécessité de penser par soi-même sont-elles sauvegardées par cette initiative pétrie de bonnes intentions mais problématique en termes d'apprentissage? Première semaine, premiers débats, première leçon collective, cette école est bien partie.
Lu dans:
Camille Dejardin. A quoi bon encore apprendre? Gallimard . Tracts. 2025. 64 pages
Séverin Graveleau. Comment motiver les étudiants à l’heure de l’IA ? Le Monde. Campus 3 septembre 2025. p. 19.
"Ce que peut être pour moi une "rentrée" réussie... Pour cette rentrée, j'aimerais par-dessus tout pouvoir croire que ma vie attend le meilleur pour moi et les autres. Nouveaux visages, nouvelles activités, nouvelles perspectives, nouvel espoir d'être toujours plus moi-même.(..). Vous le sentez, cette "rentrée" sera peut-être une "sortie" de moi-même pour m'engendrer à plus grand que moi." Marc Maronne
Curieusement s'il n'y a pas de "sortie scolaire" le 30 juin , le terme "rentrée" s'est imposé bien au-delà du domaine de l'école. Perçu plutôt comme une contrainte, le retour à la vie normale avec ses augmentations traditionnelles de tarifs, les réunions ministérielles nocturnes, les levers à la sonnerie du réveil, les files et les routines du quotidien, bref ce retour à quelque chose de connu et de répétitif éreinte un peu. Le philosophe Marc Maronne y discerne néanmoins quelques pistes pour une rentrée heureuse. Le retour aux rythmes de ce qui fait notre vie, le confort qu'apportent les rituels, les retrouvailles des collègues, les sorties entre amis, les soirées au cinéma, le petit resto familier du coin de rue. A une "invitation aussi à faire du neuf, à voir plus grand, à comprendre que la vie est progrès et accomplissement obtenu par la grâce du temps consenti. S'entraîner à transformer la routine et les habitudes en possibilité de progrès est une bonne manière de donner du sens au temps subi." La rentrée c'est aussi "sortir" de ses habitudes pour revenir à ce qui nous est essentiel: le plaisir de repartir, la joie de reprendre, l'espoir de progresser et de pouvoir toujours plus - c'est du Montaigne - "entrer en moi-même". Tout un programme.
Lu dans:
Marc Maronne. A l'école des mots. "Faire sa rentrée", c'est quoi au fait ? https://marcmaronne3.wixsite.com/atelier-scriptorium
"Louis s’est alité pour de bon, le souffle rauque et transpirant à grosses gouttes. Rassasié de vie, il ne craint qu’une chose: devoir quitter la fenêtre par laquelle il a vue sur son jardin et le potager qui le borde. Tant d’années consacrées à semer, repiquer, arroser, tailler ne peuvent s’évaporer sur un brancard d’ambulance appelée dans l’urgence. Louis fut ainsi mon premier patient, quatre jours avant que ne s’ouvre mon cabinet, sentant bon la peinture fraîche et la science récemment acquise. Je le vis à son domicile en jeans et chemise tachés par le plâtre. Il voulait rester chez lui, ce qui bouleversait tout mes projets thérapeutiques acquis en faculté, mais c’est ainsi que le métier entre: je le laissai contempler son jardin. Il nous quitta le lendemain, doucement. J’ouvris ma pratique à la date prévue. Avant d’avoir guéri un seul patient, j’avais déjà un mort, ce qui m’enseigna l’humilité. "
CV
Le premier jour de septembre reste un moment charnière dans l'année,
quel que
soit notre âge. Retrouvant incidemment ce billet dont je ne renie
rien, et dans lequel beaucoup de mes collègues se retrouveront
sans aucun doute, il me revient qu’aujourd’hui 1er septembre 50
années se sont
déroulées depuis la mort de Louis et le début d'une pratique
gratifiante. Réussites, échecs, mais surtout
confrontation à des récits de vie qui m'apprirent la diversité et
la richesse de l'être humain. Que souhaiter de mieux à tous nos
jeunes qui retrouvent ce jour les bancs de l'école? Le cadet de
nos petits-enfants entame sa première primaire aujourd'hui, exprimant
son impatience à "travailler". Il nous rassure: l'incertitude
actuelle ne durera pas et ils ont entre leurs mains un infini
possible.
Lu dans:
Carl Vanwelde. Carnets buissonniers. Ed Weyrich. 2021. 506 pages.
Extrait p.13