"Mais au fait, qu'est-ce, être libre ? Pour moi, c'est assez simple, en partie : la liberté, c'est un bateau déjà payé et assez d'argent pour pouvoir vivre un an ou deux sans autres projets que ceux qui peuvent être modifiés sans préavis. La liberté, c'est se réveiller dans la cabine du Rustica ou ailleurs sans être obligé de faire quoi que ce soit de particulier. C'est être tranquillement au port et savoir qu'on peut appareiller à n'importe quel moment pour n'importe quelle destination. C'est faire uniquement ce qu'on a décidé, quand on en a envie. La liberté, c'est un agenda dont toutes les pages sont vierges."
Björn Larsson
Un port, une voile et du vent pour aller où je veux, quand je veux.
Certains le réalisent, sèment le rêve pour d'autres, avant de rejoindre
la terre ferme quand le vent de l'existence retombe. Qui n'a rêvé de se
payer un voilier et de se laisser guider par le vent, loin de toute
contrainte? Libre, vraiment? Et si la liberté était plus exigeante que
de suivre le vent au gré de nos envies? Relisant les lettres d'Etty
Hillesum, on reste pensif. Quel motif peut animer une femme jeune,
ardente, pour rejoindre de son propre chef le camp de transit de
Westerbrok comme assistante sociale détachée par le Conseil juif?
D'abord privilégiée et libre de ses mouvements, puis simple détenue,
avant de monter à son tour dans les wagons à bestiaux pour Auschwitz où
elle meurt deux mois plus tard, cette fin tragique et en apparence
inutile pose la question: où se niche notre liberté? Est-elle un bateau
payé et assez d'argent pour naviguer sur les mers, ou le choix de se
perdre pour se retrouver? Chacun aura sa réponse.
Lu dans:
Björn Larsson. La Sagesse de la mer: Du cap de la colère au bout du monde. Poche. 2005. 256 pages. Extrait p.225
Etty Hillesum. Lettres de Westerbork. Seuil. 125 pages. 1988.
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