"Vieillir
redevenir cet enfant que plus personne ne voit
aux cheveux gris
dont on attend des choses promesses gloires et accomplissements
alors que tout ce qu'il souhaite
c'est rester à jouer avec son bâton
regardant tomber la pluie
les mains couvertes de boue."
Mahmoud Darwich (1941-2008)
En visite ce matin chez une patiente, on se taquine sur le big
anniversaire organisé par ses enfants la semaine prochaine, pour un
passage d'année somme toute banal - 84 ans, avouez ni romantique ni
symbolique, à mon avis ils se disent "profitons-en tant qu'elle est
encore là, comment sera-t-elle l'an prochain?". J'admire son humour
décalé et cet art de rire d'elle-même et des autres sans l'ombre d'une
malice. Une certaine sagesse naît des années, c'est sûr. Un puzzle de
belle taille se termine sur la table, allégorique de nos existences. On
sort la première pièce de sa boîte, où la placer, dans quel ciel? dans
quelle mer? Puis une autre, et encore dix et encore cent qui laissent
petit à petit imaginer une perspective. Arrive le stade où les jeux sont
faits, où les arbres sont des arbres, le bleu de la mer des vagues,
celui du ciel des nuages, on ne bousculera plus l'ensemble. Le puzzle de
mon octogénaire a une allure de pleine vie, il n'y manque qu'une
dizaine de pièces qu'elle tarde à placer, pas avant son anniversaire
c'est sûr. Et après on verra bien. On se souhaite une bonne fin de
semaine, je descends l'escalier, ferme la porte, et me dis qu'une petite
fête semi-improvisée cette semaine me ferait du bien, et que cette
visite n'avait vraiment rien de désagréable.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire