"On s'appuie seulement sur ce qui résiste."
             Charles De Gaulle.
    
Vivre dans l'espace ramène à bien vivre à terre. La notation que
      fait avec humour C. Montalbetti des conséquences de l'apesanteur
      débouche sur d'amusantes réflexions métaphysiques. "Avez-vous
      jamais pensé à remercier vos spaghettis de se tenir aussi sagement
      dans votre assiette au lieu d'onduler en manières de petits
      serpents jaunes tout autour de vous? À éprouver de la 
      reconnaissance pour l'eau qui, sortant de votre pomme de douche,
      se laisse docilement diriger vers votre corps qu'elle asperge
      agréablement? La gravité, je vous l'accorde, est cause que nous
      tombons, ou que se brisent, hélas, des objets auxquels nous
      tenons; mais elle retient avec bonheur nos semelles à la croûte
      terrestre, et organise gentiment le monde autour de nous. Là-haut,
      une fois gagnée l'impesanteur, les choses en vont bien autrement."
      A redécouvrir les avantages de la pesanteur, on finirait
      par se sentir léger, car elle nous permet d'organiser les choses
      dans une certaine permanence, échappant à cette "insoutenable
      légèreté de l'être" qu'évoquait Kundera. Avoir la certitude de
      retrouver le livre posé le matin sur sa table de chevet, ouvert à
      la même page, ou le vélo contre un arbre, ou un ami à son
      rendez-vous, structure notre existence. S'appuyer sur une épaule qui résiste, au bon moment au bon
      endroit, est une bénédiction. La philosophe Simone Weil évoquait
      les concepts antagonistes et complémentaires de la pesanteur et de
      la grâce, jumelles indissociables. 
    
    
Lu dans: 
      Christine Montalbetti. La vie est faite de ces toutes petites
      choses. Récit de la dernière mission d'Atlantis, juillet 2011.
      P.O.L. 2016. 336 pages. Extrait 4e de couverture.