"Ah le bonheur de ces journées-là... bien des années plus tard, il me hantait encore. Parfois, quand j'écoute de la musique, je retourne là-bas, et j'y retrouve tout intact. Cet été qui n'en finissait pas. Le beau temps, jour après jour, les voix qui s'appelaient à la nuit tombante, à l'heure où les fenêtres s'éclairaient ici et là, trouant l'obscurité. Et le murmure des blés sous le vent de l'aube, et l'odeur chaude des épis prêts pour la moisson. Et ma jeunesse. Si j'étais resté là-bas, y aurais-je vécu heureux ? Non, je ne le pense pas. Tout change, ceux que nous aimions s'en vont, vieillissent, disparaissent, et peu à peu retombe cette ardeur qui nous faisait croire à chaque instant que l'instant d'après serait encore plus beau. C'est maintenant ou jamais ; il faut prendre le bonheur quand il passe."
J.L. Carr.
Au dire malicieux de J. L Carr, ce court roman est "une histoire
d’amour sans importance racontée plus de cinquante ans après". Ce
délicieux oxymore ("amour sans importance", aussi contradictoire que
l'"obscure clarté tombant des étoiles" de Corneille ) initie une
réflexion douce-amère sur le temps qui ne reviendra pas,
le bonheur qui est là sans qu'on le sache dans l'écoulement des
jours et dans la plénitude des minutes heureuses. C'est aussi un
merveilleux hommage d'un écrivain à la campagne anglaise qui l'a
vu naître et qu'il retrouve, émerveillé, au terme de sa vie. Nous sommes
les gardiens de trésors enfouis qui ne demandent qu'à renaître.
Lu dans :
James Carr. Un mois à la campagne. Traduit de l'anglais par Pierre Girard. Actes sud. 1992. 144 p. Extrait page 105
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