« ERSEL: être absolument à bout de forces, souffrir, être tourmenté, être fatigué."
Charles de Foucauld. Dictionnaire touareg
Un dictionnaire peut être autobiographique. Le désert parcouru au
péril de sa vie. Rien n'a changé. Personne n'est venu. Ses cheveux
tombent. Il n'a presque plus de dents. Il a faim, ayant donné ses
derniers sacs de grains à des hors-caste méprisés, noirs ou métis,
à l'écart des prestigieuses tribus nobles. À présent qu'il n'a
plus rien à donner, les Haratins ne viennent même plus le voir. Il
reste absolument seul. Depuis trois mois il n'a reçu aucune lettre
de France. Il a obtenu l'autorisation de dire la messe sans
servant, à la condition qu'un chrétien y assiste. Il n'en viendra
aucun. Le 1er décembre 1916, le père Charles de Foucauld est
assassiné à la porte de son ermitage, ayant vécu ses dernières
semaines comme un long, long naufrage.
Tout humain rencontre la nuit, et certains plus que d'autres. Le
désert n'a rien à y voir, le désespoir est aussi urbain. A l'un ou
l'autre que je connais mieux je confierais bien ces quelques
lignes du Père de Foucauld au creux de la paume, afin qu'ils s'en
imprègnent. ERSEL est une perception de la réalité plus que la
réalité elle-même, et le temps qui passe replace les échecs et les
réussites en perspective. En d'autres temps on écrivait que tout
est grâce.
Lu dans:
François Sureau. Je ne pense plus voyager. NRF Gallimard.. 2016. 154 pages. Extrait P. 78, 79
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