"Le frittage, l'espargoute, la coccidie, le livet, la cloyère, le quartidi, le pureau, la bourse-à-pasteur, l'escourgeon ne sont pas choses très communes. Les nommer c'est pourtant nous apprendre leur existence. C'est aussi nous apprendre qu'elles ont des noms pour les nommer. "
Jean-Michel Espitallier
Existe-t-il des noms rares d'objets courants? Nommer un objet lui
donne-t-il vie et existe-t-il des objets sans nom? Ce matin,
j'imagine mon existence sans nom, prénom, surnom ou qualificatif
d'aucune sorte. Serais-je à la même place? Pas sûr. L'innommé, à
la différence de l'anonyme (qui possède une identité, mais peu ou
guère connue) a-t-il encore une existence?
A contrario, se pourrait-il que certains noms aient été inventés
avant l'objet qu'ils désignent? Cela s'appelle joliment l'utopie,
ce pays, ou ce projet "qui ne sont encore nulle part". Jean
l'évangéliste a eu de belles lignes sur le sujet: "au commencement
était la parole / toutes choses ont été faites par elle / et rien
de ce qui a été fait n’a été fait sans elle / en elle était la
vie, et la vie était la lumière des hommes." Nommer une chose la
crée, soit avant même sa naissance, soit juste après. J'étais un
projet avant d'être un embryon, et nommer cet embryon me permit
d'exister aux yeux des autres, me sortant du néant indifférencié.
Et après ces belles pensées, on va essayer de dormir !
Lu dans:
Jean-Michel Espitallier. Tourner en rond. De l'art d'aborder les ronds-points. PUF. 2016. 128 pages. Extrait p. 28.
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