"Au grand soleil d'été qui courbe la Provence
Des genêts de Bretagne aux bruyères d'Ardèche
Quelque chose dans l'air a cette transparence
Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche."
Jean Ferrat. Ma France.
"Ce pays offre de la beauté à profusion. Une luxuriance de
paysages qui varient les charmes d'une arrière-saison à l'autre.
Des cours d'eau familiers aux reliefs rocheux. Des plaines aux
forêts, des vallons aux collines de Jean Ferrat. La mer, enragée
par moments, autour des phares ou contre les jetées, ses reflets
d'argent et ses marées d'équinoxe. La montagne encerclant le
regard de Victor Segalen le rabat et le contient que la plaine
ronde libère. Un firmament où le soleil poudroie, des étendues où
l'herbe verdoie. Et en superbe, une architecture qui trace les
périodes et marque les lieux, joue avec les ombres et les angles,
pointe des aspérités sous les courbes, marie le bois et la pierre,
lustre la brique, polit le verre, fait étinceler et danser la
céramique. Les peintres en ont témoigné en styles divers et tous
pigments. Les photographes les fixent en noir en blanc en
demi-teinte et en phosphorescence. Cette beauté rayonne en façade
et en intérieur des bâtiments et monuments, y compris les lieux de
culte, cathédrales, temples, synagogues, mosquées; elle est dans
les sculptures de place publique, les musées, sous les porches,
dans les cours et jardins. Elle est sous les voûtes de cloîtres,
sur le plancher des bordels, les rainures des rues pavées, les
arabesques des balcons, les chambranles des fenêtres, les rosaces,
les vitraux, les gargouilles, les nefs de caserne. Elle est à
portée de regard si la vie rude laisse le temps de lever les yeux,
de faire place à la légèreté ne serait-ce que quelques brèves
minutes chaque jour. Elle est là, en prodigalité, à portée
d'intuition et de sensibilité. Elle est là, nue ou suggestive,
prête à offrir du bonheur à qui se donne la peine de vouloir.
Par-dessus tout, elle parade dans ces lieux, théâtres, cinémas,
opéras, salles de concert et de jazz, de danse et d'acrobatie, de
conversations poétiques, là où les mots et le corps la disent, la
clament, la chantent, la partagent. Dans tous les arts. Par toutes
les formes. Et d'abord dans la littérature. Elle scintille dans
les flaques et sur les filets de pluie luisante qui habillent les
trottoirs gris. Il y a urgence à enseigner comment accueillir la
beauté, pour qu'elle entre en écho avec cette beauté de l'âme que
ceux qui vivent dans ces lieux balafrés croient parfois, à tort,
avoir perdue." Christiane Taubira.
De Jean Ferrat à Christine Taubira, une même passion française. A
les lire, on prend le sac et on s'en va sur les chemins de France.
On en rêve, certains le font.
Lu dans:
Christiane Taubira. Murmures à la jeunesse. Philippe Rey éd. 2016.
94 pages. Extrait pp. 73, 74, 75