07 janvier 2013

Un nouveau monde


"Ce n'est pas forcément en regardant la politique et l'économique qu'on a les réponses aux questions qu'on se pose. Nous vivons une bascule entre deux mondes. Et dans cette bascule, je crois que les questions les plus graves se passent ailleurs. Lors des tremblements de terre, on voit des lézardes mais à des kilomètres de profondeur, il y a des plaques tectoniques qui sont la cause de ces séismes. (..) Aujourd'hui, la crise économique, ce sont des lézardes superficielles et contemporaines, mais il y a des causes profondes qui travaillent. Si l'on prend du recul, on s'aperçoit qu'il s'est passé des événements dont on n'a pas beaucoup parlé et qui sont pourtant décisifs. Prenez le nombre des paysans en Belgique ou en France. Il est passé de 70-75 %  en 1900 à 1,8 % en 2000. C'est un événement millénaire. Ce n'est plus le même monde. Si vous regardez l'espérance de vie, vous constatez que, vers les années 1850, elle était de 30 ans pour les femmes alors qu'elle est aujourd'hui de 85 ans. Ce n'est plus la même femme; ce n'est plus le même corps; ce n'est plus le même mariage. Nous étions un milliard lorsque je suis né (1930); on est 6,5 milliards aujourd'hui. Ce n'est pas la même humanité. Jusqu'en 1800, 3 % de cette humanité habitait en ville; en 2050, ce chiffre atteindra 70 %. Là encore, ce n'est plus le même monde." 
Michel Serres

 
Lu dans:
Michel Serres, William Bourton. Nous sommes à l'orée d'un nouveau monde. Le Soir 31.12.2012. p.13 

Aucun commentaire: