11 janvier 2013

La mélodie de la limaille de fer


"Ainsi préparé, l'invité approche en silence du sanctuaire; s'il s'agit d'un samouraï, il laisse son sabre au râtelier placé sous l'auvent - puisque la chambre de thé est avant tout la demeure de la paix. Ensuite, il se courbe pour se glisser à l'intérieur de la chambre par une minuscule porte d'à peine trois pieds de haut. Imposé à tous les invités, sans distinction de rang, ce procédé avait pour but d'enseigner à chacun l'humilité. Selon un ordre de préséance fixé par accord mutuel durant l'attente sous le portique, les invités entrent l'un après l'autre sans le moindre bruit et ne viennent s'asseoir qu'après avoir contemplé avec déférence la peinture ou l'arrangement floral qui orne le tokonoma. L'hôte, lui, n'entre dans la pièce que lorsque tous les convives y sont installés et qu'un silence parfait y règne, sérénité que seul trouble le frémissement de l'eau dans le chaudron en fonte. Le chant du chaudron est subtil, car on a pris soin d'y disposer quelques morceaux de fer, afin d'engendrer une mélodie particulière où l'on peut reconnaître les échos, assourdis par les nuages, d'une cascade, du lointain déferlement des vagues sur les rochers, d'une ondée balayant une forêt de bambous, ou du soupir des pins sur quelque colline éloignée."

 

Lu dans :
Okakura Kakuzô. Le livre du thé. Ed. Philippe Picquier. 1996. 172 pages. Extrait p. 84

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