"(..) notre méthode de décoration intérieure diffère de celle qui a cours en Occident. Dans les maisons occidentales, nous sommes souvent confrontés à ce qui nous apparaît comme une redite inutile. Par exemple, lorsque nous parlons à un homme qui se tient devant son propre portrait grandeur nature. Nous nous demandons alors lequel est réel, du portrait ou de celui qui nous parle, et nous sommes convaincus - étrangement - que l'un des deux doit être faux. Combien de fois nous sommes-nous assis à une table de fête en contemplant, au grand dam de notre digestion, quelque représentation de l'abondance ornant les murs de la salle à manger? Pourquoi ces tableaux montrant des scènes de chasse, ces sculptures délicates de poissons ou de fruits? Pourquoi cet étalage d'argenterie familiale, qui
vient nous rappeler les morts qui dînèrent ici autrefois?
La simplicité dévolue à la chambre de thé et son absence de toute vulgarité en font un véritable sanctuaire contre les tourments du monde. Là, et là seulement, nous pouvons nous consacrer sans le moindre trouble à l'adoration du beau. Au XVIe siècle, la chambre de thé offrit aux guerriers et aux hommes d'Etat, qui œuvraient à l'unification et à la reconstruction du Japon, des instants de répit bienvenu au milieu de leurs tâches ardues. Aujourd'hui, et ce sur toute la planète, l'industrialisme rend le véritable raffinement toujours plus inaccessible. Jamais l'homme n'a eu autant besoin de la chambre de thé! "
Lu dans :
Okakura Kakuzô. Le livre du thé. Ed. Philippe Picquier. 1996. 172 pages. Extrait p. 93-95
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