04 mars 2009

Des oxymorons et autres plaisirs minimes

"On me montre dans le foyer un "mange-debout" ! C’est ainsi qu’on semble appeler ces tables hautes, faites pour y déposer l’assiette ou le verre lors de réunions où l’on se tient debout. On trouve sur les sites de vente des tables mange-debout, des tabourets mange-debout."
J. Mercier
 
On s'amuse de peu lors du petit déjeûner, mais l'expression "tabouret mange debout" m'a fait sourire ce matin. J'avais jusqu'ici bien assimilé la notion de tabouret, petit siége à quatre pieds sans bras ni dos, exemple parfait d'un utile accessoire conçu pour s'asseoir dessus. Un détour par le dictionnaire m'apprend que par extension on nomme ainsi un petit meuble pour poser les pieds quand on est assis, ce qui devient franchement acrobatique dans le cas d'un "tabouret mange-debout". On peut imaginer toutes les positions du Kamasutra, on n'y arrive pas: ce néologisme surprenant, associant un couple de mots incompatibles comme le sont "réalité virtuelle", "force tranquille", "changement dans la continuité" ou "développement durable" demeure pour moi une trouvaille décidément amusante. Des sociologues ont vu dans la multiplication de ces oxymorons un marqueur du passage du 20ème au 21ème siècle, significatif de l'emprise croissante des publicistes et les spécialistes de la communication, passés maîtres dans l'art de travestir les contenus, les sens et les significations. Les signifiants sont vidés de leur sens premier, naturel, instinctif. Dans le cas présent, on nous explique doctement "que de nombreuses relations amicales naissent parmi des personnes qui se retrouvent autour de la même table ou tabouret mange debout lors d’un événement. Ces derniers ne sont donc pas seulement des objets très pratiques, mais aussi les déclencheurs de la communication humaine." Jusqu’à ce matin inconnus, ils prennent une valeur sociale incroyable. Surprises du langage, d'un amusement fugace, nous voilà plongés tôt le matin dans une réflexion sur la société. En voiture Simone, au boulot. 

Lu dans
Le mange-debout. Jacques Mercier. La Libre Belgique. Monsieur Dico.

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