"Si nos sociétés sont chaotiques et désordonnées, c’est parce
qu’elles ont oublié deux notions qui organisent la vie des abeilles, et
des insectes sociaux en général : la collectivité et l’avenir. »
Maurice Maeterlinck
Quand les ruches souffrent et se dépeuplent, relire Maeterlinck est
une leçon de philosophie appliquée, restituant les drames, les utopies,
les mythes, les destinées individuelles de ces insectes sociaux qui ont
tant à nous apprendre. La multiplicité de leurs fonctions individuelles
(exploratrices, bergères, pourvoyeuses, jardinières, champignonnistes,
moissonneuses, terrassières, maçonnes, menuisières, nourrices,
guerrières) se double d'une organisation sociétale qui pourrait nous
inspirer: une intelligence collective aux rôles bien répartis sans être
figés,
toujours adaptables aux circonstances, aux imprévus, aux
bouleversements des biotopes. La ruche, société idéale pour l'abeille,
mais pour l'homme? Demeure l'insoluble problème: qui est-ce qui règne
ici, qui donne des ordres, prévoit l’avenir, trace des plans, équilibre,
administre, condamne à mort? Sur quoi se fonde l'autorité, et jusqu'où
le bien commun est-il soluble dans l'épanouissement individuel? Le
régime politique dans lesquels s’inscrivent les insectes sociaux est-il
transposable à l'homme?
La forme d’existence stoïquement acceptée chez ces insectes,
considérant par exemple comme évidente la mort violente et cruelle des
bourdons en surnombre, est-elle compatible avec le respect de l'individu
humain le plus faible, le plus inutile ou le plus opposant à la bonne
marche de l'ensemble? Autant de questions que de débats, justifiant la
dose de chaos socialement acceptée au détriment d'une organisation
humaine idéale.
Maurice Maeterlinck. La vie des abeilles. Préface de Michel Brix.
Bartillat. Coll. Omnia Poche. 2019. 258 p.